Les pièges de l'éveil

Le dernier livre d'Adyashanti est interessant  car il parle de ce qui se passe après l'éveil, ce que les textes abordent plus rarement.

En effet, Adyashanti montre que si l'éveil est la sortie du rêve de la dualité, il ne garantit pas une vie sans difficultés ni problèmes dans un nirvana extatique. L'éveil contient des pièges, des impasses.

On peut être éveillé et pourtant replonger de temps en temps, voire souvent dans l'identification. Certaines pensées sont ,dit-il, des pensées "Velcro" auxquelles on s'accroche, ce qui nous reconduit à nouveau dans l'illusion. Ces aller-retours sont normaux et font partie du processus de stabilisation de l'éveil.

Mais il y a plus problématique. Adyashanti montre que quelqu'un qui a pourtant connu un éveil peut se servir de la non-dualité pour masquer ses illusions et protéger sa structure égotique. Ainsi on peut ne pas voir ses propres divisions, ses propres identifications. Imaginons que quelqu'un, soi-disant éveillé, manifeste une colère. Il se justifiera ainsi :" Mais il n'y a aucun problème. Personne n'est en colère. C'est spontané. C'est une expression de la non-dualité. L'ego est une illusion. Tout est vide. La colère est psychologique. Le témoin est non-affecté. Tu confonds le spirituel et le psychologique."

Ainsi, dit Adyashanti, nous nous situons en pensée au niveau de l'absolu et nous nions le reste. Or une colère est une expression, non de la non-dualité, mais de la dualité, du refus d'une situation. On peut avec de tels raisonnements se conduire de manière violente et injuste envers autrui au nom de la non-dualité. Ainsi paradoxalement, nous pouvons avoir une véritable vision de notre nature réelle, tout en restant, à un niveau humain, divisé et plein d'illusions.

Or l'éveil doit pénétrer dans l'ensemble de notre être et pour cela nous devons reconnaitre nos divisions et ne pas fuir dans une transcendance imaginée. La lumière de l'éveil doit pénétrer le mental, le cœur et même les tripes.

Après l'éveil commence un voyage vers la non-division dans tous les niveaux de notre vie, ce qui ne signifie pas être parfait ou saint mais sincère et honnête envers nous-mêmes. Un cœur éclairé est attentif : "Chaque fois que nous allons dans une émotion de division - haine, envie, jalousie, orgueil, blâme, honte et le reste - nous savons que nous percevons le monde à partir d'un état de division. Ces émotions qui viennent de la division sont comme des drapeaux rouges, nous rappelant que nous ne percevons pas la vraie nature des choses." (cependant Adyashanti reconnait que certaines émotions "négatives" peuvent ne pas être l'expression d'une division comme certaines tristesses ou colères  mais en général elles en proviennent).

Vivre éveillé consiste à vivre à partir de la non-séparation dans tous les aspects de notre vie. Alors notre coeur s'ouvre et devient plus sensible, et plus aimant. L'éveil c'est l'amour, quoi d'autre ?

Un beau livre.

josé le roy

Comments

[Eric delmas-Mars]

Oui, touché.

[franck]

moi, vous-meme, dans l'évidence de votre essence spirituelle. Pas un moi de décorum, mais le petit moi intime qui n'appartient qu'à vous précieusement.

[Eric delmas-Mars]

Si s'agit d'un quelqu'un impersonnel,
pourquoi en effet ne pas le nommer ainsi ? ...

"Qui?"

Au départ, c'est ce qui semble l'une des instances partie prenante de la personne.

[Franck]

Pas "quelque chose" qui observe, mais "quelqu'un." devinez qui ?

[Eric delmas-Mars]

Dans la tradition hébraïque, il est dit que les hommes ont besoin d'étudier et d'échanger à longueur de paroles et d'écrits alors que les femmes détiennent la connaissance en plénitude.
Si bien qu'il y est recommandé, lorsque l'on est à court, d'aller leur poser les questions non résolues.
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Vers Franck :
Oui, tout le monde sait observer que la nature même du mental est d'émettre des pensées.
Cependant, à bien y regarder, il y a bien un quelque chose qui observe cela.

En observant bien sans chercher à objectiver et placer des mots et phrases, ce qui est observé se détache en tant qu'objet et l'observateur se "voit" de manière non objective, en train de regarder, sans qu'il y ait une nécessité de penser, d'objectiver, de s'en former une image ou une quelconque représentation.

Faute de ré alimentation, l'énergie sous-jacente s'amenuise et le silence se révèle.
Dit en d'autre mots : la pensée ne peut pas se couper de la pensée (ce serait le coup de la couleuvre qui s'avale la queue pensant se nourrir avec autre qu'elle-même!!). Elle continue.
Ce qui change, ce dont nous sommes alors coupés, c'est de cette illusion tenace et fouteuse de merde selon laquelle la réalité du monde est (n'est que) celle que nous pensons.

L'outil à utiliser s'appelle la discrimination.