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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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23 septembre 2016

Dieu par la face Nord

Sur le conseils de Serge Durand, je suis en train de lire le livre d'Hervé Clerc, Dieu par la face nord, et effectivement, le livre est intéressant ;

C'est un beau livre, et remarquablement écrit : un coup de coeur !

voici ce que dit la 4eme de couverture :

« Le mot dieu est ambivalent. Il a un adret et un ubac. Une face sud et une face nord.
Quand Nietzsche annonce : « Dieu est mort », il fait référence au dieu personnel, bon, jaloux ou miséricordieux, que le croyant prie dans les églises, mosquées et synagogues. C’est la face sud.
La face nord, il n’en souffle mot. Elle est abrupte, lisse, vertigineuse, sans filet, sans contour, sans fond, nocturne.
C’est elle que nous voyons aujourd’hui pointer à l’horizon. Cela pourrait être le sens, encore caché, de notre modernité. »

 

 

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Hervé Clerc, né le 25 mars 1952 à Lausanne, est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et titulaire d’une maîtrise de Philosophie à Paris II Sorbonne. Il a exercé pendant trente ans le métier de de journaliste au sein de l’Agence France-Presse, notamment en Espagne, Pakistan, Afghanistan et Pays-Bas. Il est l’auteur d’un essai sur le bouddhisme, Les Choses comme elles sont (Folio, essais, 2011).

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Voici une interview de Hervé Clerc par dans le journal Le temps en avril 2016

Le Temps: Pouvez-vous présenter ce Dieu qui n’a pas de nom, cette divinité beaucoup plus englobante qui selon vous est appelée à supplanter le Dieu des religions révélées?

Hervé Clerc: C’est un Dieu dans lequel la dualité s’efface: il n’y a plus de distinction entre celui qui observe et celui qui est observé. C’est un état que les religions orientales appellent «le réel». Et effectivement j’ai le sentiment que notre époque arrive à la fin de cette représentation anthropomorphe, humaine de Dieu. Les églises se vident, les gens semblent prier de moins en moins. En revanche, la méditation est en plein essor.

- Au fond, il y aurait un dénominateur commun, une vérité universelle qui relie l’humanité par-delà les religions?

- On peut l’appeler vérité universelle, sachant que ce n’est pas une vérité qui est démontrable. Elle s’expérimente. On avance à tâtons et soudain on se trouve happé, comme dans un rapt. Tout à coup, quelque chose se produit et l’on entre dans une autre dimension, qui est le cœur du réel.

Faut-il en déduire que tout est illusion, que le monde dans lequel nous pensons vivre n’existe pas?

- Non, notre vie n’est pas une illusion du point de vue humain. Si je me casse un bras, la douleur que je ressens existe bel et bien, tout comme les joies et les peines vécues au cours de notre vie. Mais selon les Hindous, l’illusion (appelée «Mâyâ») réside dans le caractère impermanent et toujours mouvant de la réalité empirique. On ne peut pas la saisir ou l’arrêter: c’est un peu comme si l’on essayait de prendre de l’eau qui coule. Cette illusion se retrouve dans le mythe de la caverne de Platon.

Vous citez aussi la fable des aveugles et de l’éléphant, qui illustre à quel point ce «réel» est insaisissable dans sa totalité. Pourquoi nous échappe-t-il ainsi?

- Il nous échappe à nous mais il n’a pas échappé à tout le monde. Il est au cœur de l’hindouisme, du soufisme et de la mystique occidentale. Comment y parvenir? Les approches sont diverses. Un mystique chrétien dira que c’est par la prière. Beaucoup de gens pensent que c’est par la méditation ou le yoga que l’on peut parvenir à atteindre cet état de fusion avec l’infini.

- C’est dans l’hindouisme et dans l’islam que vous puisez principalement vos sources. Qu’ont-elles en commun, ces deux religions?

- Elles communient par la cime, bien qu’elles soient très différentes dans leurs rites, leur vision du monde et leur perception des choses. Quand un musulman arrive au terme de sa recherche, il atteint le «al-Haqq», mot qui désigne à la fois la vérité et la réalité. Quant à l’hindou, il parvient à la «Satya»: les voilà réunis au sommet puisque ces deux notions désignent rigoureusement la même chose. C’est ce que le philosophe suisse Frithjof Schuon a appelé «l’unité transcendantale des religions».

- Vous vous appuyez en majeure partie sur les mystiques ou sur des poètes inspirés qui ont vécu en marge de la religion officielle, voire ont été persécutés par les gardiens du temple. Les religions ont-elles failli, sont-elles dans l’erreur… par nature?

- C’est difficile à dire. Elles durent depuis des millénaires, comment juger? J’ai l’impression que maintenant, les religions monothéistes arrivent à un état de faillite. En Occident, nous cherchons à tâtons quelque chose d’autre qui pourrait nous correspondre, ce qui entraîne un très grand désarroi.

Alors que l’islam est en pleine crise, traversé par des courants fanatiques, vous avouez une tendresse à son égard…

- Il y a de nombreuses années, je ressentais une attirance pour l’islam au point que j’ai failli me convertir. Malgré son dogmatisme, son Dieu très présent et directif, le Coran recèle une influence lumineuse et subtile, qui reste imperceptible si l’on reste en retrait. Comme le dit un ancien hadith, ce livre a un dos et un ventre, et nous autres Occidentaux ne voyons que le dos hostile et rugueux. «Le Coran est capable de se montrer sous n’importe quel jour», disait Rûmî. N’oublions pas cela, surtout aujourd’hui!

- Vous pensez que le Dieu des monothéismes s’estompe au même rythme que grandit cet absolu dont nous parlons. «Le désert croît», écrivez-vous. Et ce serait une bonne nouvelle?

- Pour Nietzsche, dont j’ai repris les mots, ce désert est la désolation, l’absurdité du monde. Moi, je le prends dans un autre sens: cette face désertique de Dieu qui grandit en ce moment dans notre Europe désenchantée me semble porteur d’une félicité inouïe! Cela dit, entre le Dieu impersonnel et le Dieu des religions, les liens existent. Dans son poème «La Nuit obscure», Saint-Jean de la Croix est conduit par un Dieu humain et amical vers l’abîme de l’éternité. Il est en quelque sorte un intermédiaire.

- «La petite parole est verbeuse, la grande parole est éclatante», disait le sage chinois Tchouang-Tseu. Pour atteindre le réel, faut-il être simple et sans malice?

- C’est vrai, la parole éclatante n’est pas pour les petits malins! Il y en a une dans les Upanishads où un père, surpris de ce que son fils ait si peu appris des choses essentielles pendant ses études brahmaniques, lui fait décortiquer une figue, jusqu’à l’intérieur d’un pépin, où il n’y a plus rien. Il lui dit ensuite au creux de l’oreille: «Tu es cela» («Tat twam asi»). Cela, ce rien infiniment ouvert, c’est la réalité totale, l’unité du réel.

- Et «cela» lui apparaît soudainement…

- Certains bouddhistes disent qu’on peut l’atteindre «soudain dans un éternuement». Ma nièce Philippa, que je cite dans mon livre, a eu dans sa vie quatre crises de folie qui lui sont tombées dessus comme des gouttes de plomb en fusion. Les approches de la folie peuvent être des percées dans le réel. Platon, dans Phèdre, avait vu ces rapports intimes entre la folie et la sagesse.

- Dans votre recherche vous vous revendiquez aussi l’héritage de la pensée critique. Est-elle compatible avec les traditions orientales que vous évoquez tout au long du livre?

- Naturellement! Je pense que nous pouvons renoncer aux dogmes religieux qui sans doute ont fait du mal à l’Occident, mais en aucun cas à la pensée critique, qui constitue le meilleur de notre héritage. Nous prenons des mots, nous les interrogeons, les décortiquons: c’est une excellente chose. Pour ma part, j’ai abordé l’étude de ces grandes religions de l’Orient sans perdre de vue notre maison commune, la Grèce, ou toutes choses trouvent place et mesure.


Hervé Clerc, Dieu par la face nord, Albin Michel, 314 p

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