8 août 2020
je suis et j’aime
« Mes frères, ne craignez pas le péché, aimez l’homme même dans le péché, c’est là l’image de l’amour divin, il n’y en a pas de plus grand sur la terre. Aimez toute la création dans son ensemble et dans ses éléments, chaque feuille, chaque rayon, les animaux, les plantes. En aimant chaque chose, vous comprendrez le mystère divin dans les choses. L’ayant une fois compris, vous le connaîtrez toujours davantage, chaque jour. Et vous finirez par aimer le monde entier d’un amour universel.
[...]
Mes Pères, je me demande : « Qu’est-ce que l’enfer ? » Je le définis ainsi : « la souffrance de ne plus pouvoir aimer ». Une fois, dans l’infini de l’espace et du temps, un être spirituel, par son apparition sur la terre, a eu la possibilité de dire : « je suis et j’aime ».
Une fois seulement lui a été accordé un moment d’amour actif et vivant ; à cette fin lui a été donnée la vie terrestre, bornée dans le temps ; or, cet être heureux a repoussé ce don inestimable, ne l’a ni apprécié ni aimé, l’a considéré ironiquement, y est resté insensible. Un tel être, ayant quitté la terre, voit le sein d’Abraham, s’entretient avec lui comme il est dit dans la parabole de Lazare et du mauvais riche, il contemple le paradis, peut s’élever jusqu’au Seigneur, mais ce qui le tourmente précisément, c’est qu’il se présente sans avoir aimé, qu’il entre en contact avec ceux qui ont aimé, et dont il a dédaigné l’amour. »
(F. Dostoïevski, Les Frères Karamazov, Livre VI, ch. 3)
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