Ce regard déclenche une détente merveilleuse
Jean Klein
Question : J’aspire à une vie stable, à sortir de cette oscillation constante entre le plaisir et la souffrance ; ma question est : existe-t-il un état de plénitude permanent dégagé de toutes ces vicissitudes ?
Jean Klein : Vous êtes cette permanence, vous ne pouvez la quitter, même un instant. Vous pouvez vous trouver sans pensée, mais vous ne pouvez jamais cesser d’être ce que vous êtes foncièrement : toute félicité ; ce qui est instable ne peut pas vous conduire vers ce qui est essentiellement vous, non changeant, vivant et toujours nouveau. Le changement n’atteint que le corps et le mental et ces derniers sont hors de vous-même, soumis au temps. Que voulez-vous obtenir par eux ? Aucun effort ne peut vous mener à cet ultime équilibre ; votre lucide attention seule permet l’éveil de cette compréhension.
Question : Des lueurs de cette vérité dont vous parlez m’apparaissent, mais comment la vivre effectivement ?
Jean Klein : L’idée d’améliorer doit vous quitter. Il n’y a rien à trouver, rien à atteindre. Chercher et vouloir atteindre sont les mobiles de cette entité que vous croyez être, tendue vers un devenir dans un espace-temps. N’entretenez pas cette idée, ayez une simple attitude de constatation sans velléité de réforme. Ce regard déclenche une détente merveilleuse sur le plan corporel et mental ; celui-ci en dernier lieu se volatilise par manque d’aliment et laisse place à votre vraie nature. Tout ce processus magique se déroule grâce à votre seule présence, le Soi qui est toute présence.
Question : De quelle autre réalité parlez-vous ?
Ce dont il est question ici est une expérience que l’on connaît dans une parfaite spontanéité, dans un « maintenant », elle ne peut être niée. Vous lui donnez des qualifications telles que : paix, joie, plénitude, mais ce ne sont que des mots, des symboles pour représenter un vécu, en dehors de l’espace-temps.
Question : Mais il y a des problèmes journaliers qui me semblent s’opposer à cette vie intérieure ?
Tout problème ne concerne que la personne ; c’est une image mentale. Du point de vue de la vie, il n’y en a pas. Ainsi que je vous le disais à l’instant, la souffrance et le plaisir se succèdent. Nos difficultés sont créées par la mémoire, l’anticipation d’un futur afin d’atteindre un but, un résultat, un choix qui vous semble opportun, tout cela coloré par l’antipathie/sympathie.
L’amour, expression de la vie, seul est réel, il est universel, sans exclusion ni préférence et toute manifestation en découle."
Jean Klein
extrait Revue Etre N2 /cinquième année. 1978