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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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3 novembre 2021

Sensible et supra sensible

Voici  un texte de Jocelin Morisson pour présenter le colloque qui aura lieu à Bruxelles le 4 décembre.

Sources : https://www.etreplus.be/post/le-monde-et-l-arri%C3%A8re-monde

 

 

Prélude au colloque du 4 décembre
par Jocelin Morisson
 
Au delà des apparences se révèlent les mondes de l’invisible. Science, philosophie et spiritualité convergent vers une description de la réalité qui inclut le sensible et le suprasensible. Nous pouvons connaître cet arrière-monde car il est le coeur-même de notre nature véritable.
 

Nous ne percevons que les apparences du monde et non sa réalité profonde. Pourquoi ? Parce que nos sens sont limités et que le monde tel qu’il nous apparaît est une sorte de reconstitution opérée par notre cerveau à partir des informations que nous sommes capables d’extraire de notre environnement. Le cerveau effectue l’intégration de cette somme d’informations et nous permet d’être conscient d’une image du monde, qui est finalement bien plus une image « projetée » que perçue, car dans cette reconstitution interviennent quantité de filtres cognitifs, mémoriels, éducatifs, etc. Nous vivons pourtant largement comme si nous percevions le monde tel qu’il est vraiment, car cela nous permet d’y être fonctionnels.

 

Certes, nous savons désormais que l’électricité n’est pas une « fée » mais le mouvement de particules invisibles à l’oeil nu que nous appelons électrons. Nous savons aussi que la lumière se décompose en un spectre de fréquences dont nous ne pouvons percevoir qu’une partie, les abeilles ou d’autres insectes en perçoivent davantage, et que certains animaux entendent des sons que nous ne pouvons pas entendre, etc.

 

Et nous pouvons même savoir que la matière se compose essentiellement de vide qui est aussi un réservoir d’énergie et d’information. Au-delà des apparences, il y a donc ce que nous pouvons observer plus ou moins directement grâce à des appareils qui sont des extensions de nos sens, et il y a aussi ce dont nous pouvons inférer l’existence par le raisonnement ou le calcul. Ainsi la fameuse matière noire qui composerait 27 % de la densité d’énergie de l’univers, mais dont certains chercheurs pensent aujourd’hui qu’elle est une pure chimère comme l’était l’éther au XIXe siècle. Amusant retournement de situation car la notion même d’éther est finalement réhabilitée par les étranges propriétés quantiques du vide.

 

Non-sujet?

 

Au fil des siècles, la science a prétendu « objectiver » le monde, en faire un objet, le même pour tous, et ce qui perçoit le monde, le sujet, a été évacué. C’est devenu un « non-sujet ». Mais le sujet est revenu par la fenêtre, à la faveur notamment des observations contrintuitives issues de la physique quantique. Sans l’acte de mesure et d’observation, la réalité reste dans un état indéterminé, dans plusieurs états superposés, nous dit l’interprétation orthodoxe de la physique quantique, dite « de Copenhague ».

 

En outre, la réalité est « non-locale », c’est-à-dire que des influences s’exercent entre des objets ou des systèmes quantiques par-delà les limites de l’espace et du temps. Cette réalité sous-jacente, primordiale, formerait finalement un tout indivisible, un arrière-monde unique duquel émerge le monde des apparences. Nombreux sont les penseurs contemporains ou plus anciens qui ont distingué ces deux niveaux, avec moult nuances.

 

Le philosophe néerlandais Bernardo Kastrup distingue aujourd’hui l’essence (vue intrinsèque) de l’apparence (vue extrinsèque) ; le philosophe américain Itay Shani distingue la nature cachée de la nature révélée ; le physicien Federico Faggin sépare le « nousym » (construit sur le grec « nous », la conscience, et « sym », le symbole) du monde classique ; l’écrivain Owen Barfield, qualifiait de « non-représenté » ce qui se trouve en amont des « apparences ».

 

En remontant plus loin dans le temps, impossible de ne pas mentionner le physicien américain David Bohm et son « ordre implié » qui structure et ordonne l’« ordre explié » (manifesté). Parmi les philosophes, Henry Corbin parlait de l’« imaginal » qui renvoie au contenu symbolique et archétypal de l’image et suppose un monde « suprasensible ». Schopenhauer distinguait le monde comme volonté (essence) et comme représentation (apparence), Kant parlait du « noumène » par opposition au « phénomène », Swedenborg estimait que l’essence de la réalité se trouvait dans le « monde spirituel » et que le monde sensible en était la « correspondance ». Spinoza a distingué la « Nature naturante » et la « Nature naturée ». La première est la sub-stance (ce qui se tient en amont), ou ousia en grec (substance, essence irréductible) ; la seconde désigne les modes de représentation.

Non-manifesté?

 

Tous disent essentiellement la même chose : que le monde sensible, perceptible, phénoménal, est une projection d’un arrière-monde plus fondamental, ce que Platon a également rendu dans sa fameuse allégorie de la caverne. On retrouve bien sûr peu ou prou cette même notion dans les grandes religions et les spiritualités du monde entier : plénitude pour les uns, vacuité pour les autres, « plérôme » des gnostiques, « autreté » chez Krishnamurti, « supramental » chez Aurobindo, « mystère du mystère » dans le Tao Te Ching, ou même « temps du Rêve » chez les Aborigènes d’Australie, etc.

 

Selon les traditions, les écoles et les courants, cette réalité primordiale peut être ou non identifiée à l’Absolu, Dieu, ou bien être elle-même une émanation de quelque chose de plus fondamental encore et qui reste « non-manifesté ». Mais sans entrer dans ce niveau de spéculation métaphysique, se pose la question de savoir si nous pouvons connaître cet arrière-monde. Il semble que oui, puisque tous les penseurs qui ont proposé cette description n’y sont pas parvenus par le seul raisonnement, mais bien plus souvent par l’intuition.

 

Et c’est Schopenhauer en particulier qui pourrait nous livrer la clé. Il distinguait en effet le monde comme représentation, ce qui apparaît, et le monde comme volonté, ce qui est en amont. Et cette essence nous est connaissable par l’intuition justement car, puisqu’elle est en dehors du temps et de l’espace (ce qui apparaît), elle est présente en toute chose à chaque instant, y compris nos esprits. On pourrait parler d’« intention » plutôt que de volonté et se rapprocher d’une notion divine à l’origine de la création. Alors oui, nous pouvons connaître l’arrière-monde en amont des apparences puisqu’il est finalement notre nature, cela même qui constitue notre être au niveau le plus fondamental.

 

Et cette nature est celle d’une supraconscience, comme le pensait aussi bien David Bohm hier que Bernardo Kastrup aujourd’hui. Tout comme la vague a la nature de l’océan et qu’elle n’est pas séparée de lui, notre corps est une forme localisée dans le temps et l’espace se manifeste une conscience qui émane d’une supraconscience fondamentale unique et indivisible. Voilà mènent les réflexions des chercheurs contemporains qui retrouvent et reformulent les enseignements des traditions spirituelles immémoriales en intégrant au passage les courants de la philosophie qui ont remis le sujet et l’expérience au centre (phénoménologie, existentialisme). Ainsi, au-delà des apparences se trouve finalement tout ce dont nous pouvons faire l’expérience, c’est-à-dire tout ce dont nous pouvons être conscient. Et si l’intuition nous permet de connaître l’arrière-monde, il faut élargir cette notion aux états élargis de conscience comme les expériences mystiques, expériences psychédéliques ou expériences de mort imminente. Il faut inclure aussi les phénomènes de synchronicité, de télépathie, de précognition, etc. Toutes ces expériences manifestent l’appartenance de chaque individu à ce vaste tissu d’information et d’énergie qui sous-tend le monde des apparences. Et nous sommes amenés à comprendre que nous ne sommes pas dans le monde, mais que nous sommes le monde.

 

Quand cette compréhension atteint le stade d’une réalisation, c’est l’éveil spirituel ; le sentiment de reliance et d’unité devient permanent. Alors la réponse de Ramana Maharshi à la question « Comment devrions-nous traiter les autres ? » devient elle aussi évidente : « Il n’y a pas d’autres. »

 

Jocelin Morisson

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