L'intuition intellectuelle
Voici un texte qui a eu une puissante influence sur ma manière de concevoir la philosophie.
René Guénon montre ici qu'il existe une intuition intellectuelle pure, qui n'est pas de la pensée conceptuelle, mais qui est à la fois une expérience et une connaissance métaphysique de l'absolu.
Pour moi, la découverte de la Vacuité illuminée au centre est une intuition intellectuelle.
Pas mentale, mais suprarationnelle.
jlr
René Guénon
« […] l’intuition intellectuelle, par laquelle seule s’obtient la vraie connaissance métaphysique, n’a absolument rien de commun avec cette autre intuition dont parlent certains philosophes contemporains : celle-ci est de l’ordre sensible, elle est proprement infra-rationnelle, tandis que l’autre, qui est l’intelligence pure, est au contraire supra-rationnelle.
Mais les modernes, qui ne connaissent rien de supérieur à la raison dans l’ordre de l’intelligence, ne conçoivent même pas ce que peut être l’intuition intellectuelle, alors que les doctrines de l’antiquité et du moyen âge, même quand elles n’avaient qu’un caractère simplement philosophique et, par conséquent, ne pouvaient pas faire effectivement appel à cette intuition, n’en reconnaissaient pas moins expressément son existence et sa suprématie sur toutes les autres facultés.
C’est pourquoi il n’y eut pas de « rationalisme » avant Descartes ; c’est là encore une chose spécifiquement moderne, et qui est d’ailleurs étroitement solidaire de l’« individualisme », puisqu’elle n’est rien d’autre que la négation de toute faculté d’ordre supra-individuel.
Tant que les Occidentaux s’obstineront à méconnaître ou à nier l’intuition intellectuelle, ils ne pourront avoir aucune tradition au vrai sens de ce mot, et ils ne pourront non plus s’entendre avec les authentiques représentants des civilisations orientales, dans lesquelles tout est comme suspendu à cette intuition, immuable et infaillible en soi, et unique point de départ de tout développement conforme aux normes traditionnelles. »
René Guénon, La Crise du Monde Moderne, Chap. III