Un de mes poètes préférés, mort trop tôt, et trop jeune, mais qui a donné à la poésie mystique contemporaine un éclat nouveau: Philippe Mac Leod:

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"Tout homme ajoute  au monde quelque chose d'étourdissant. Il l'ignore le plus souvent, et ne sait rien du rayon qui le traverse, de l'âme qui le creuse comme un vaste pays où la solitude d'abord l'effraie, où le moindre glissement le porte si loin qu'il en perd son nom.

   Lieu sans mémoire et sans projet - où tout est instant - plénitude - centre et rayonnement à la fois - vie de la vie, cœur de notre cœur, ouvert sur des lointains intérieurs qui nous sont pourtant si intimes, comme dans les eaux claires ces fonds  insoupçonnés miroitant d'un éclat inouï.

Mais comment atteindre ce point d’ineffable clarté, vierge, unique en chacun, comme un versant caché de notre chair, sans véritable consistance pourtant, sans épaisseur propre, sans aucune ressemblance avec nos sentiments, nos pensées, les mots qui les disent, quelque chose de plus haut que le bonheur, plus loin que la commune mesure du plaisir, et où la tristesse jamais ne jette son ombre ?

Comment rejoindre ce quelque chose qui ne saurait se dire, qui ne m'appartient pas tout à fait et que je cherche obstinément à porter au jour, à transmettre, à faire exister, comme si la parole ne connaissait pas d'autre aiguillon ? Ce quelque chose qui est pourtant ma chair, sans toutefois se limiter aux membres, ce quelque chose d'intime et d'étranger à la fois, qui déborde le corps sans jamais pour autant s'en détacher ni le renier. Ce quelque chose de plus que lui qui touche un invisible, à l’immatériel, comme une main mal assurée qui parfois frôle l'infini... Oui, ce quelque chose, ce je ne sais quoi qui nous possède et nous échappe à la fois - quel est-il ? Est-ce déjà l'éternité qui nous visite ? Loin au fond de nous, comme une lueur vacillante au noir du tombeau, la lumière de la Résurrection qui lentement s'approche."

 

 

 

Philippe Mac Leod, Sens et Beauté

 

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