Présence et douleur

La douleur n'est pas un petit problème, et de nombreux lecteurs du blog m'en parlent.

En quoi l'éveil à sa vraie nature peut-il nous aider pour vivre les souffrances physiques ?

Lock Kelly, un enseignant contemporain que j'aime bien, et qui propose une méditation qu'il appelle la méditation sans effort, affirme que cette manière d'accueillir la souffrance à partir de la Présence éveillée modifie le rapport à la douleur.

Il s'agit juste d'être présent dans l'espace ouvert de l'éveil et de laisser les sensations douloureuses apparaitre de manière non-duelle (sans quelqu'un qui les accueille).

Il nous montre ici que cela a -selon lui- un résultat positif sur la douleur.

Ce qui est certain c'est qu'accueillir la douleur à partir de l'espace sans limite de la conscience permet de réaliser que nous ne sommes pas que la douleur, qu'il y a une présence bien plus vaste, absolument stable.

jlr

"Il est important de commencer par vérifier la cause de la douleur de toutes les manières possibles afin de ne pas ignorer, négliger ou nier une condition potentiellement dangereuse. Dans certains types de douleurs chroniques dont nous connaissons la cause, comme l'arthrite ou la sciatique, le système de signalisation nerveuse nous alerte d'un problème, mais il n'y a pas d'écharde à enlever de notre dos ou de notre pied. Si nous avons pris en compte tous les diagnostics et traitements médicaux et alternatifs, et que la douleur persiste, nous avons encore la possibilité d'apprendre certaines approches en utilisant notre propre conscience pour établir un lien différent avec la douleur.

La présence  sans effort est une approche merveilleuse qui ne tente en aucun cas de remplacer ou de nier le diagnostic de la cause de la douleur et le travail pour la guérir par tous les moyens. Je ne fais que partager cette pratique en tant que suggestion de ce qui peut être fait en conjonction avec tout traitement médical.

Avec une présence sans effort, nous pouvons apprendre à être présent avec le désagrément - une compétence importante que nous évitons souvent d'apprendre jusqu'à ce que nous éprouvions une douleur inéluctable. Il se peut que nous ayons déjà expérimenté, grâce présence sans effort, comment les pensées bavardes se retirent en arrière-plan ou peuvent être accueillies par une prise de conscience à cœur ouvert. La grande nouvelle est que nous pouvons également le faire avec des signaux de douleur ! Ils peuvent devenir comme des pensées et passer à l'arrière-plan de la conscience éveillée.

Lorsque les signaux de douleur passent à l'arrière-plan ou diminuent de manière significative, nous ne n'avons plus besoin de souffrir en silence ou d'essayer d'échapper à la douleur par des comportements de fermeture, d'engourdissement ou d'extériorisation. En changeant notre rapport à la douleur, nous pouvons trouver une porte d'entrée vers une liberté qui nous permet de répondre à la douleur par le courage et l'intimité.

Nous pouvons apprendre à être présents avec le désagrément, à rester sensibles sans être sur la défensive, et à être réactifs mais non pas à réagir.

Lorsque l'intelligence de la conscience éveillée sait directement qu'il n'y a pas de danger immédiat, le signal de la douleur peut passer à l'arrière-plan. Selon ma propre expérience des maux de dos, la douleur n'a plus besoin d'envoyer un message de mon dos à mon cerveau pour signifier "Danger !" ou "Regardez ça !"

Lorsque j'ai permis à la conscience éveillée de se ressentir comme une énergie de sensibilisation et d'embrasser et finalement de reconnaître que ma douleur n'était pas séparée de ma conscience intelligente, cela a mis fin à toute résistance et à toute souffrance secondaire. Lorsque cela s'est produit, l'énergie de la douleur est devenue effervescente ; elle m'a procuré un sentiment étrangement chaleureux et béat. Parce que je pouvais travailler avec la douleur par le biais de ma conscience de cette manière, j'ai compris que le signal de douleur sciatique n'était pas dû à un muscle déchiré ou à un tissu coupé ou à un couteau dans mon dos (même si c'est ce que j'ai ressenti par moments). C'était simplement un signal pour me faire prendre conscience de la situation, qui n'était pas liée à une menace réelle.

Une semaine après avoir commencé à expérimenter en utilisant la présence sans effort, la douleur s'est atténuée, et à la fin de la deuxième semaine, c'était au pire une douleur sourde occasionnelle, comme un muscle endolori. Elle n'est pas revenue en tant que maladie chronique à ce jour ! Il m'arrive d'avoir une douleur dans le dos si je me tourne brusquement, mais même cela ne dure pas longtemps. L'autre changement unique est que la douleur ne monte pas à la tête ; je ne la ressens que dans le bas de mon dos. Cette méthode n'a pas seulement soulagé ma propre douleur chronique, mais elle a également fonctionné pour beaucoup de mes étudiants. Une fois que la présence rencontre et reconnaît directement la douleur, la plupart des gens rapportent une réduction de leur expérience de la douleur d'environ 8 (sur une échelle de douleur de 1 à 10) à un 2 faible."

Loch Kelly/trad. JLR

La voie de la Présence sans effort

Comments

[Michel]

Merci pour ce témoignage très intéressant. À noter aussi celui de Catherine Harding sur le même sujet, publié il n’y a pas très longtemps sur le blog.

La souffrance, qu’elle soit physique ou morale, est notre lot à tous. Il ne s’agit pas de se libérer de la souffrance, c’est mission impossible, mais il est possible de trouver la libération au cœur même de la souffrance.

[josleroy]

Patrice Gros



"Contempler la nature même de notre esprit

La troisième méthode est celle des contemplatifs. Elle est sans doute la moins évidente, mais nous pouvons nous en inspirer pour réduire nos souffrances physiques et mentales. Elle consiste à contempler la nature de l'esprit qui souffre. Les maîtres bouddhistes enseignent la méthode suivante lorsqu'on éprouve une puissante douleur physique ou mentale, il faut simplement la regarder. Même si sa présence est lancinante, demandons-nous quelle est sa couleur, sa forme ou toute autre caractéristique immuable. On s'aperçoit alors que les contours de la douleur s'estompent à mesure qu'on tente de les cerner. En fin de compte, on reconnaît qu'il y a, derrière la douleur, une présence consciente, celle-là même qui se trouve à la source de toute sensation et de toute pensée. La nature fondamentale de l'esprit est cette pure faculté de connaissance. Détendons notre esprit et essayons de laisser la douleur reposer dans cette nature claire et inaltérable. Cela nous permettra de ne plus être la victime passive de la douleur, mais, peu à peu, de faire face et de remédier à la dévastation qu’elle engendre dans notre esprit. Ce n'est certes pas facile, mais l'expérience montre que c'est possible. J'ai personnellement connu nombre de méditants ayant recours à cette méthode lors de maladies terminales connues pour être particulièrement douloureuses et qui semblaient remarquablement sereins et relativement peu affectés pas la douleur. Mon regretté ami Francisco Varela, chercheur de renom en sciences cognitives, pratiquant depuis la méditation bouddhiste, m'a confié, lorsque nous nous sommes longuement entretenus quelques semaines avant sa mort d'un cancer généralisé, qu'il arrivait à demeurer presque tout le temps dans cette «présence éveillée ». La douleur physique lui semblait alors très lointaine et ne l'empêchait pas de conserver sa paix intérieure. Il n'avait d'ailleurs besoin que de très faibles doses d'analgésiques. Son épouse, Amy, m'a rapporté qu'il avait préservé cette lucidité et sérénité contemplative jusqu'à son dernier souffle."

in Mathieu Ricart - Plaidoyer pour le bonheur