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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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5 février 2020

Le libre-arbitre existe-t-il ?

J'ai traduit ci-dessous un article de Bernardo Kastrup sur le libre-arbitre qui pourra intéresser les plus philosophes de mes lecteurs.

Sa conclusion demande à être développée car même si tout provient ultimement de la volonté chez Schopenhauer, celle-ci est aveugle et inconsciente.

Peut-on encore parler de libre-arbitre alors?

Plutôt de spontanéité libre.

jlr

 

Source

 

 

dessin libre arbitre

 

 Oui, le libre arbitre existe

"Au moins depuis les Lumières, au XVIIIe siècle, l'une des questions les plus centrales de l'existence humaine est de savoir si nous disposons du libre arbitre. À la fin du XXe siècle, certains pensaient que les neurosciences avaient réglé la question. Cependant, comme il est apparu récemment, tel n'était pas le cas. La réponse est pourtant fondamentale pour nos codes moraux, notre système de justice pénale, nos religions et même pour le sens même de la vie, car si chaque événement de la vie n'est que le résultat prévisible de lois mécaniques, on peut s'interroger sur le sens de tout cela.

Mais avant de nous demander si nous avons le libre arbitre, nous devons comprendre ce que nous entendons exactement par là. Une opinion commune et simple est que, si nos choix sont prédéterminés, alors nous n'avons pas de libre arbitre ; dans le cas contraire, nous le possédons. Pourtant, après mûre réflexion, ce point de vue s'avère étonnamment inapproprié.

Pour comprendre pourquoi, remarquez d'abord que le préfixe "pré" dans "choix prédéterminé" est tout à fait redondant. Non seulement tous les choix prédéterminés sont déterminés par définition, mais tous les choix déterminés peuvent également être considérés comme prédéterminés : ils résultent toujours de dispositions ou de nécessités qui les précèdent. Par conséquent, ce que nous demandons en réalité, c'est simplement si nos choix sont déterminés.

Dans ce contexte, un choix libre serait un choix indéterminé. Mais qu'est-ce qu'un choix indéterminé ? Il ne peut être qu'aléatoire, car tout ce qui n'est pas fondamentalement aléatoire reflète une disposition ou une nécessité sous-jacente qui le détermine. Il n'y a pas d'espace sémantique entre le déterminisme et l'aléatoire qui pourrait s'accommoder de choix qui ne sont ni l'un ni l'autre. C'est un point tout simple mais important, car nous pensons souvent - de manière inconsciente - que les choix volontaires ne sont ni déterminés ni aléatoires.

Notre notion même de hasard est déjà nébuleuse et ambiguë au départ. Sur le plan opérationnel, nous disons qu'un processus est aléatoire si nous ne pouvons pas y discerner un schéma. Cependant, un processus véritablement aléatoire peut, en principe, produire n'importe quel modèle par simple hasard. La probabilité que cela se produise est peut-être faible, mais elle n'est pas nulle. Ainsi, lorsque nous disons qu'un processus est aléatoire, nous ne faisons que reconnaître notre ignorance de son éventuelle base causale sous-jacente. En tant que tel, un appel au hasard ne suffit pas à définir le libre arbitre.

De plus, même si c'était le cas, lorsque nous pensons au libre arbitre, nous ne pensons pas au simple hasard. Les choix libres ne sont pas erratiques, n'est-ce pas ? Ils ne sont pas non plus indéterminés : si je crois que je fais des choix libres, c'est parce que j'ai le sentiment que mes choix sont déterminés par moi. Un libre choix est déterminé par mes préférences, mes goûts, mes aversions, mon caractère, etc., par opposition à celui de quelqu'un d'autre ou à d'autres forces extérieures.

Mais si nos choix sont toujours déterminés de toute façon, que signifie parler de libre arbitre en premier lieu ? Si l'on y réfléchit bien, la réponse est évidente : nous disposons d'un libre arbitre si nos choix sont déterminés par ce à quoi nous nous identifions par expérience. Je m'identifie à mes goûts et à mes préférences - tels que je les ressens consciemment - dans le sens où je les considère comme des expressions de moi-même. Mes choix sont donc libres dans la mesure où ils sont déterminés par ces goûts et préférences ressentis.

Pourquoi, alors, pensons-nous que le matérialisme métaphysique - l'idée que nos choix sont déterminés par l'activité neurophysiologique de notre propre cerveau - contredit le libre arbitre ? Parce que, même si nous essayons, nous ne nous identifions pas à la neurophysiologie par l'expérience, pas même à la nôtre. En ce qui concerne notre vie consciente, l'activité neurophysiologique dans notre cerveau n'est qu'une abstraction. Tout ce que nous connaissons directement et concrètement, ce sont nos peurs, nos désirs, nos inclinations, etc., tels qu'ils sont vécus, c'est-à-dire nos états volitifs ressentis. Nous nous identifions donc à ceux-ci, et non à des réseaux de neurones en activité à l'intérieur de notre crâne. La prétendue identité entre la neurophysiologie et la volition ressentie n'est qu'un concept, et non une expérience.

La question clé ici est celle qui imprègne toute la métaphysique du matérialisme : tout ce que nous avons vraiment, ce sont les contenus de la conscience, que les philosophes appellent "phénoménalité". Notre vie entière est un flux de phénoménalité ressentie et perçue. Que cette phénoménalité découle d'une manière ou d'une autre de quelque chose de matériel, en dehors de la conscience - comme les réseaux de neurones  - est une inférence théorique, pas une réalité vécue ; c'est un récit que nous créons et auquel nous adhérons sur la base d'un raisonnement conceptuel, pas quelque chose de ressenti. C'est pourquoi, pour notre vie, nous ne pouvons pas vraiment nous y identifier.


Ainsi, la question du libre arbitre se résume à une question de métaphysique : nos états volitifs ressentis sont-ils réductibles à quelque chose d'extérieur et d'indépendant de la conscience ? Si tel est le cas, il ne peut y avoir de libre arbitre, car nous ne pouvons nous identifier qu'au contenu de la conscience. Mais si, au contraire, la neurophysiologie est simplement la façon dont nos états volontaires ressentis se présentent à l'observation d'un point de vue extérieur - c'est-à-dire si la neurophysiologie n'est que l'image de la volonté consciente, et non sa cause ou sa source - alors nous avons le libre arbitre ; car dans ce dernier cas, nos choix sont déterminés par des états volontaires que nous considérons intuitivement comme des expressions de nous-mêmes.



Comme l'explique mon nouveau livre, Decoding Schopenhauer's Metaphysics, pour Schopenhauer, l'essence intérieure de toute chose est la volonté consciente, c'est-à-dire la volonté. La nature est dynamique parce que ses états volitifs sous-jacents fournissent l'impulsion nécessaire au déroulement des événements. Comme son prédécesseur Emmanuel Kant, Schopenhauer considérait ce que nous appelons le "monde physique" comme une simple image, une représentation perceptive du monde dans l'esprit d'un observateur. Mais cette représentation n'est pas ce que le monde est en soi, avant d'être représenté.

Comme les informations dont nous disposons sur l'environnement extérieur semblent se limiter à des représentations perceptuelles, Kant considérait le monde en soi comme inconnaissable. Schopenhauer, cependant, a soutenu que nous pouvons en apprendre quelque chose non seulement par les organes des sens, mais aussi par l'introspection. Son argument est le suivant : même en l'absence de toute perception de soi véhiculée par les organes des sens, nous ferions toujours l'expérience de notre propre volonté interne, ressentie.

Par conséquent, avant d'être représentés, nous sommes essentiellement de la volonté. Notre corps physique n'est que la façon dont notre volonté se présente à un point de vue extérieur. Et puisque notre corps et le reste du monde apparaissent sous forme de matière dans la représentation, Schopenhauer en a déduit que le reste du monde, tout comme nous, est aussi essentiellement de la volonté.

Dans sa vision éclairante de la réalité, la volonté est en effet libre parce qu'elle est tout ce qui existe en fin de compte. Pourtant, son image est celle des lois apparemment déterministes de la nature, qui reflètent la cohérence intérieure instinctive de la volonté. Aujourd'hui, plus de 200 ans après la publication de ses premières idées révolutionnaires, l'œuvre de Schopenhauer peut réconcilier notre intuition innée du libre arbitre avec le déterminisme scientifique moderne."

Bernardo Kastrup, février 2020

Commentaires
G
oui. douglas harding ne dit rien d autre. le regard actuel est tout ce qui est. mais pour un moi qui pense exister indépendamment ce nest assurement pas assez..
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M
Georges, Merci, je pense que ça me va. Jouer avec des vérités relatives tout en sachant qu'au final, mon être est ce qu'il est de toute éternité et que rien ne peut l'altérer.. :-)
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G
tu peux. personne ne t empeche de faire ce que tu fais puisque de toutes facons tu penses le faire. mais Etre na pas besoin de croyance. pour Etre rien na besoin de rajouter ou soustrait. cest toujours ce que cest telque cest. il ny a pas de vérité absolue car cela implique que la nature ne serait pas complete telle quelle est mais quelle aurait besoin de trouver une vérité absolue pour etre enfin ce quelle est. et dans cette recherche pour la complétude tu ne peux trouver que des vérités relatives car tu ne peux pas trouver un non-objet. tout ce que tu peux trouver est toujours partiel puisque la completude est au depart. de plus tu ne trouves que des vérités partielles et humaines et donc jamais cet absolu que tu cherches désespérément. cest comme l histoire simple des lunettes cherché partout alors quelles sont sur le nez deja.
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M
Oui, c'est une théorie comme une autre. Pour moi le passage par la vacuité est une étape nécessaire pour pouvoir choisir une croyance, celle qui nous convient, et donc vivre/expérimenter cette croyance, sans se battre avec d'autres pour ce qu'est la vérité absolue, mais simplement partager avec d'autres sa vérité relative.
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M
Et bien justement, je ne suis pas sûr de ça.. d'où ma question a propos des atomes ou de nos cellules... Peut être que les atomes ou les cellules sont enfin alignées sur "ce qu'ils sont". Ils acceptent totalement leur condition, leur rôle, et cela permet a des êtres comme nous de jouer au même jeu : poser les mêmes questions que ces derniers, "qui suis je ?" "Pourquoi suis je ici ?"<br /> <br /> <br /> <br /> Je souscris assez fort à la philosophie "holon", que l'univers est composé de structures qui en s'emboîtant d'une certaine manière forment une nouvelle structure, et ainsi de suite a l'infini.. le passage a un autre niveau passe par justement le fait de répondre a la question "qui suis je". <br /> <br /> https://en.m.wikipedia.org/wiki/Holon_(philosophy)
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