Au-delà de la méditation et de la non-méditation
On me critique parfois parce que je parle de la voie directe, de l'éveil immédiat, parce que je remets en cause l'dée d'une progression vers un but lointain qui serait l'éveil (vu que c'est déjà là).
Longchenpa, le maitre du dzogchen tibétain (14eme siècle) dans un de ses livres, le Choying Dzod, A Treasure Trove of Scriptural Transmission, (page 120, premier paragraphe. Padma Publications), est aussi radical : jugez plutôt.
Longchenpa nous montre à quel point l'idée qu'il y a quelque chose à faire pour s'éveiller est ridicule, puisque la présence (Rigpa) est déjà accomplie.
Pour lui, la méditation n'est même pas nécessaire, puisque méditer c'est chercher à prendre conscience de quelque chose, or la conscience est déjà là ; elle est intemporelle.
On ne peut pas ne pas être éveillé. Essayez un peu !
jlr
(je traduis de l'anglais)
"En atiyoga (dzogchen), la grande perfection,
comment la vraie nature des phénomènes pourrait-elle être cultivée dans la méditation ?
Ce qui ne peut être écarté ou adopté
est libre des extrêmes de la méditation et du manque de méditation.
La conscience authentique n'est jamais déformée.
Dans un dharmakaya pur et non déformé,
il n'y a ni méditation, ni rien à méditer.
Ce qui est authentique ne peut être trouvé par la méditation.
S'il devait être trouvé, la conscience de soi serait annulée.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que, dans le cadre d'une prise de conscience de soi-
une prise de conscience intemporelle -
il importe peu qu'il y ait distraction ou non.
Supposons que la conscience naturelle et intemporelle
fasse l'objet d'une méditation.
Cela irait à l'encontre de ce que l'on considère comme la conscience intemporelle.
Donc, en ati, la grande perfection,
il est expliqué que le sens ultime n'est pas perçu
par la méditation."
Et longchenpa commente ce texte :
"Parce que la Présence éveillée (Rigpa) n'a pas d'essence définie, et parce que l'existence et l'activité délibérée s'excluent mutuellement, et parce que la Présence est déjà présente de manière intemporelle et spontanée, rien ne doit être fait concernant les niveaux de réalisation sur lesquels s'entraîner, les chemins spirituels à parcourir, les mandalas à visualiser, les pouvoirs à donner, les chemins à cultiver en méditation, les samaya à soutenir, les activités d'éveil à accomplir, etc.
C'est parce qu'il n'est pas nécessaire d'accomplir à nouveau ce qui est déjà accompli de manière intemporelle et spontanée.
S'il y avait un tel besoin, il serait inapproprié d'utiliser la désignation conventionnelle " spontanément présent et non composé ". Et il s'ensuivrait que le dharmakaya serait sujet à destruction, parce qu'il serait composé, et ceci parce qu'il serait créé par des causes et conditions."
Plus loin, il dit (p 190):
"Même l'idée que la liberté passe par une " introduction directe " est illusoire. On s'efforce de libérer cette essence de ce qui la lie, mais rien ne doit être fait pour la libérer, car la Conscience sans entrave, qui n'a jamais existé comme quoi que ce soit, n'implique aucune dualité de quelque chose à réaliser et quelqu'un pour la réaliser. Il y a égalité parce que rien n'est amélioré par la réalisation ou aggravé par son absence, donc il n'y a pas besoin d'une réalisation accessoire.
Et parce qu'il n'y a jamais rien eu à réaliser - car la nature ultime des phénomènes est au-delà de la conscience ordinaire - parler de réalisation, même au niveau relatif, n'est qu'un leurre. Ce que l'on peut montrer à ce stade, c'est la transcendance de la vue et de la méditation, où rien ne doit être fait concernant la réalisation, rien ne doit être "directement introduit", et aucun état de méditation ne doit être cultivé. Il y a donc l'expression "il importe peu qu'on ait ou non la réalisation"."