Oh ! Cette merveilleuse simplicité d’ÉVEIL
Marc Chaduc( ou swami ajatananda) est le seul disciple connu d'Henri Le Saux.
Après avoir réalisé le Soi, il disparut mystérieusement de son ermitage à Kaudiyala (35 km en amont de Rishikesh), entre février et avril 1977. Nul ne l’a revu depuis.
Voici une lettre adressée par Marc à la soeur d'Henri Le Saux, après le décès d'Henri le 7 décembre 1973.
Henri Le Saux s'était éveillé lors d'une crise cardiaque le 14 juillet 1973.
(voir le récit de cet éveil ICI)
MARC CHADUC-SWAMI AJATANANDA
Lettre de Marc Chaduc à sœur Thérèse Le Saux
(Après la mort de Henri Le Saux)
Indore, 9 janvier 1974
Bénie Sœur !
Quelle place pour la peine… ? Non ! Joie ! Indescriptible débordement de la plénitude de Lumière qui rayonnait en Henri et où il a mergé pour toujours ! À la Source, il n’y a plus personne pour même sentir quelque « départ » que ce soit, pas plus celui d’Henri que d’un autre. À la source où tout est, hors signe ! Oui, oui, l’âme éclate sous l’effusion de l’Esprit, au-delà de tout signe, de toute expression, image ou mémoire. Henri n’est rien de ce qu’on peut se souvenir de lui ! Il EST, en toute sa propre plénitude, dans la Plénitude du Soi ! La totalité du Mystère trois fois saint éclatait en lui dans une épiphanie silencieuse et glorieuse. Il a tout parfait, tout accompli de sa mission surnaturelle que le monde ne peut comprendre parce qu’elle déborde infiniment les limites de cet univers et de notre pauvre mental qui ne cesse de vouloir cerner l’incernable. Il disparaît au-delà de sa forme visible, dans la pure lumière qu’il était et qu’il est, par diaphanie absolue à l’unique Mystère intérieur qui l’absorbait à une profondeur d’être que je n’ai jamais rencontrée chez aucun homme, et en lequel il mergea dans toute sa plénitude d’être. L’ÉVEIL, cela seul le résume, au-delà de tout mot, de toute conception, de tout livre (y compris les siens). Oh ! Cette merveilleuse simplicité d’ÉVEIL, qu’il avait atteint et en lequel il s’écoula en silence ! Henri ? Pur FEU, pure incandescence de l’Absolu. Plus que jamais il se consume au centre de nous-mêmes. Rien d’autre ne compte que ce Mystère intérieur partout rayonnant en lequel il se mouvait continuellement. Peu importe ce qui arriva au corps d’Henri, comment il s’éteignit (crise cardiaque subite, qui l’emporta en quelques minutes, le 7 décembre à 11 heures du soir, due aussi à son emphysème, difficultés de respirer et toux). Son corps n’est pas au Shântivanam, c’est une erreur d’interprétation des télégrammes. Il est au cimetière des Pères qui tiennent le séminaire de Palda près d’Indore, appelé « Catholic Ashram » (lieu de paix totale). Mais qu’importe tout cela ! Il est VIVANT ! Rappelez-vous les femmes au tombeau le matin de Pâques…
Le père Dominique savait que faire en ce cas. Il a dû vous écrire. Mère Théophane est débordée. Elle avait envoyé une longue lettre au père Dominique : demandez au père pour les détails. Les affaires officielles d’Henri et ses écrits sont à Delhi, chez frère James Stuart, Brothershood, Delhi, 110006.
Fidèle au sannyasa absolu, selon Henri et l’Esprit – qui ne sont qu’un – je demeurerai encore en total silence et totale solitude près du Gange en un lieu inconnu de tous, où je retournerai d’ici huit à dix jours. Engloutissement pour toujours dans l’unique contemplation silencieuse du Mystère. Nulle correspondance, finie pour toujours […] depuis le 30 juin. Tel est le sannyasa dans ses exigences eschatologiques absolues. Seule, la densité d’être au sein du Mystère importe. Faire confiance, pour tout le reste qui vient tout seul. Le Royaume seul. L’Esprit est insaisissable. Quand le temps viendra – s’il vient –, l’Éveil que Henri a trouvé se communiquera. Mais c’est l’œuvre de l’Esprit. Mourons une bonne fois pour toutes. C’est tout. La Lumière brille d’elle-même. Où ? Dans l’amour de l’Un.
Ajatananda
PS : C’est à Indore, aujourd’hui 9 janvier 1974, que mère Théophane m’a communiqué votre lettre bien belle. Merci ! Oui, unité si profonde des âmes… À Indore, juste pour deux jours, je retourne à Delhi et d’ici huit jours à nouveau en total désert. Vous vous rappelez l’appel au désert irrésistible chez les premiers moines ? Ici, c’est si commun chez nos frères hindous. Je n’ai nulle adresse et n’écris plus. Pardonnez-moi…"
Marc écrivit aussi ceci en 1975
« Tourne ton regard au-dedans,
où nulle forme n’est plus vue,
où tout visage a disparu.
Pénètre au mystère du dedans,
visage de Lumière que toi-même tu es,
sans regardé ni regardant,
sans dehors ni dedans».
Swami Ajatananda,Années de Grâce, 1975
Voir aussi le témoignage de Bettina Baümer sur Marc Chaduc, qu'elle a bien connu : Télécharger