Sept joyaux du tantra shivaïte
Colette Poggi publie un nouveau livre chez jean-Louis Accarias.
Sept Joyaux du tantra shivaïte
Dans cet excellent livre, Colette nous fait rencontrer 7 sages (6 hommes et une femme)qui ont fondé le shivaisme du Cachemire entre le 9ème et 14eme siècle en Inde.
Vasugupta
Somananda
Utpaladeva
Abhinavagupta
ksemaraja
Mahesvarabnda
Lala
C'est vraiment une très bonne introduction à la vie, à l'oeuvre et à la pensée de ces auteurs si profonds et si directs.
Extrait (sur Somananda)
"Un philosophe tourné vers l'intérieur
Dans la continuité de Vasugupta, Somananda ouvre un nouveau sillage, en quête de cet essentiel, au fond de soi, si souvent oublié. Son nom d'initiation parle de lui-même : il suggère une béatitude, ânanda, pareille à celle procurée par le soma, ce breuvage enivrant des temps védiques, absorbé lors de cérémonies rituelles. Dans le shivaïsme du Cachemire, une autre interprétation est attribuée au nom soma dans les Tantra : on le décompose selon les règles phonétiques en deux termes, sa-umâ, signifiant uni à Umâ, « la Lumière », désignant la parèdre de Siva, la déesse Devï ou l'Énergie cosmique, Sakti. Umâ symbolise la connaissance suprême, la paix nocturne et la puissance créatrice. Le nom Somananda fait ainsi allusion à la félicité née de l'union Siva-Sakti, ou la jonction totale avec la connaissance-lumière.
Ce philosophe érudit, chercheur d'absolu, s'oriente vers un autre versant de l'expérience intérieure : il met en lumière le retournement possible de la conscience vers son origine, se mettant à l'écoute du sens ultime des choses et de la vie. C'est ainsi qu'apparaît dans le paysage cachemirien la notion de « re-connaissance », en tant qu'expérience directe du Soi. Somananda offrira dans ce contexte le premier texte philosophique du courant de la Reconnaissance, puissamment argumenté en faveur d'une essence non duelle, infinie et universelle : la Conscience-Énergie.
Le thème du retour est également omniprésent dans le taoïsme. Pour Lao-zi, le « Retour à l'origine » constitue le but ultime de la vie humaine. Ce processus ne se situe pas en marge de la vie courante mais s'inscrit dans la trame même de l'existence, à la manière d'une spirale aimantant le sujet vers l'intérieur, jusqu'au Vide dynamique du Cœur, le « Centre originel ». La sinologue Isabelle Robinet précise à ce propos un élément essentiel qui se trouve également au cours de la doctrine shivaïte cachemirienne : « Le retour à l'Origine n'annule pas le déploiement dans la multiplicité. En fait, il opère en recentrant le déploiement qui acquiert ainsi une valeur positive de manifestation de l'Unité et ne figure plus comme une dilution. »
L'espace infini que le méditant taoïste découvre alors peut trouver une résonance avec la Conscience-Lumière" des mystiques cachemiriens. Ces diverses métaphores empruntées au domaine de l'espace, de la luminosité, du mouvement, ne valent que par leur puissance évocatrice familière. Les uns comme les autres, hindous, taoïstes, ont eu recours à de telles images pour tenter de suggérer ce qui se tient caché, dans le mystère de la vie, inaccessible au langage rationnel mais qui n'en est pas moins une expérience vécue."
Colette Poggi