Hommage à Paul Vervisch
Paul Vervisch (1929-2018) est décédé cet été, au mois d'août.
Il a été le traducteur (et l'ami ) de Douglas Harding, qu'il avait rencontré en 1978 à Marsanne, lors des rencontres qu'organisait Emile Gillabert autour de l'Evangile de Thomas.
Cette photographie a été prise au centre le Taillé (Ardèche) en 1993, lors de mon premier stage d'été avec Douglas. Paul est ici aux côté de Josette Duc, qui m'a gentiment donné la photo.
Paul au milieu, à droite Douglas, à gauche Emile Gillabert (?)
Paul a aussi traduit certains livres de Nisargadatta Maharaj qu'il avait rencontré à Bombay et que Douglas lui avait fait connaître :
Sois!, A la source de la conscience notamment.
On peut dire qu'il y a eu deux grands maitres dans sa vie : Douglas et Nisargadatta.
Voici 4 articles écrits par Paul sur l'enseignement de Douglas Harding et de Nisargadatta Maharaj. Le premier date de 1978, c'est sans doute un des premiers textes écrits sur le travail de Douglas.
Condoléances à sa famille et à ses amis.
jlr
D'autres photos de Paul (prises par Kim Yeshi; voir une page sur Paul ICI)
Paul en 2017
A propos de la Vision Sans Tête
« S’il est une notion claire dans l’Évangile selon Thomas, c’est le “devenir petit” (0), retrouver l’esprit d’enfance pour retrouver le lieu de la vie (logion 4).
Le bébé nouveau-né se ressent comme centre de l’univers, il se poursuit au sein d’un éternel présent, uni à toutes choses dans une plénitude égoïste. Cet état est indication du lieu de la vie, la vie qui nous sustente mais que nous ne percevons plus que par référence et dans laquelle nous voulons à nouveau être confondus.
Penchons-nous donc sur cet enfant, que devient-il ? Peu à peu il se heurte à des limites, cet univers ne lui obéit pas. Sa mémoire se développe, il découvre, et on lui nomme, ce qui l’entoure, qu’il classe comme agréable et désagréable. Il découvre la notion d’avant – après, de retard et d’avance, et peu à peu il entre dans le temps et perd l’unité de ce continuel présent. Sa perception de la vie commence à s’exprimer en images mentales. Il se réfère à sa mémoire et non plus aux faits. On lui apprend “oua-oua, chien”, et il ne découvre plus cette réalité animale vociférante et amicale en “prise directe”, telle qu’elle existe en cet instant avec tout son dynamisme et sa chaleur.
Bien sûr, c’est indispensable ! Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra se percevoir, soi et le monde, et se comprendre. Mais pour se comprendre, il faut se voir. On ne le peut pas tant que l’on manipule des références mémorisées, donc toujours incomplètes et en retard sur la réalité du présent, décalées de ce qui est en cet instant. L’adulte est prisonnier du temps, il est coupé de cette plénitude initiale qu’il porte pourtant toujours en lui. Il garde seulement la nostalgie du vert paradis de l’enfance, de cette intensité disparue.
Jésus veut nous faire appréhender ce terrible état de chose. La vie à chaque instant ruisselle, toujours changeante, neuve, identique et dissemblable en chaque chose. Mais là où est la vie, nous ne sommes pas. Nous rêvons ! Rêveries de ce qui est passé, anticipations du futur. Nous nous laissons dériver au fil des conventions du moment. Nous nourrissons tout en les déplorant ces complexes terrifiants de volonté de puissance que sont nos sociétés actuelles. Nous sommes à coté de notre vie, comme au jeu de cartes, “on passe” ! Pourtant lorsque ce rêve cesse, lorsque cet ensemble de spéculations émotives et mentales qui dis : JE est absent, je ne perds pas conscience, bien au contraire !
Je m’aperçois que ce JE me bouchait la vue. Que son absence libère un vaste espace vide où naissent mes perceptions. Là, mon regard devient comme celui du petit enfant dont l’attention n’est pas happée par cet extérieur dont il observe en lui le reflet. Je deviens conscience de cet espace sans proportions, de ce vide qui est moi, qu’est la chose vue et non au dehors.
“Ils sont venus au monde vide” dit le logion 28. Je ne suis plus prisonnier de ma forme, je suis un espace habité par différents éléments, dont ma personne. Ce n’est pas une idée, je le vois. Je suis un espace vide et ce qui voit dans cet espace ; et qui est avant toute image, qui précède toute vision. “Puisse-t-il y avoir au centre de vous même un homme averti” logion 21 .
Ce regard à double voie, à double sens, se regardant regarder, est ce que Douglas Harding essaie de faire découvrir à chacun par ce qu’il a appelé la “vision sans tête”. Il s’efforce de faire retrouver au cours de ces exercices cet esprit d’enfance dont parle Jésus, qui n’accepte aucun concept, aucune chose apprise, mais seulement ce qui est perçu dans l’instant, avant l’interférence de la pensée.
C’est dans cet espace hors espace, succession de pur présent, silence sans forme ni couleur, pur néant où je suis, que la vie, dans sa tonitruante richesse, peut laisser éclater sa splendeur.
“Quand le disciple est désert, il sera rempli de lumière” logion 61. »
Paul Vervisch
n° 16 des CAHIERS METANOIA (décembre 1978)
Pratique de la Vision et discrimination par Paul Vervisch
Nous cherchons tous à vivre libres, à nous libérer de ce qui nous entrave. Nous lisons des livres, nous réfléchissons et découvrons que cette entrave ne peut être que l’illusion de nous croire une personne, de nous croire cet ego... Arrivés là, en général commence la souffrance. Comment parvenir à prendre conscience de cette identification alors que le mental, l’outil choisi pour cette démarche, est l’agent même de notre esclavage... ? Comment étudier l’ego à partir de l’ego !
Heureux ceux qui, arrivés à ce point, trouvent Douglas Harding sur leur chemin. Il est l’homme pragmatique par excellence. Il ne prêche pas, n’explique pas : il montre, et ce qu’il montre, c’est à vous seul de décider si cela vous est utile ou non.
Notre attention a l’habitude de s’identifier à ce qu’elle perçoit et à nous entraîner, en quelque sorte, hors de nous mêmes. Douglas nous ramène sans effort à notre vraie place et nous cessons d’être fascinés par ce qui est vu, pour prendre conscience de CE QUI VOIT. Dès lors, nous avons le pied à l’étrier.
La différence entre la manière de voir automatique et la vraie (la seule !), continuellement soulignée par Douglas Harding est grande, mais les conclusions à en tirer sont, elles, incommensurables. A condition de le faire bien entendu. Constater la différence entre les deux manières de voir, même s’en émerveiller, ne suffit pas. Nisargadatta Maharaj disait : « Dans la recherche de la vérité, vos outils sont : le corps, la sensibilité et la raison. Le Guru vous apprend à vous en servir, mais le travail vous seul pouvez le faire. »
Tout change lorsque nous pouvons constater que nous pensons et agissons « mécaniquement » en fonction d’un bagage mental de convictions, de routines, formules, émotions jamais remises en question. Elles conditionnent nos réactions, elles nous agissent et, tant que nous n’en avons pas pris conscience, nous sommes comme un bateau de papier emporté par le ruisseau, livré aux chocs et aux courants.Ce n’est qu’en nous appuyant sur notre véritable identité, en entrant en contact avec Je Suis, que nous pouvons juger notre situation et constater que cet ego vilipendé d’où nous vient tout le mal n’est pas notre ennemi. Il remplit sa tâche qui est de donner à notre personnalité un semblant de cohérence, (ce qui n’est pas une mince affaire). Le seul problème est que nous lui laissons prendre une place qui n’est pas la sienne.
Grâce à la Vision, je possède enfin ce point de référence. Je dispose d’une vue panoramique de cet édifice qui porte mon nom. Edifice où la personne évolue comme un somnambule, passant d’une pièce à une autre sans s’en apercevoir, l’esprit toujours occupé par un projet, une idée, un sentiment. Voir ce désordre est un point capital. Me découvrir étroitement conditionné par le besoin d’avoir raison et d’être le plus fort est indispensable car il me permet, enfin, de découvrir comment fonctionne la personne.
Pour cela, le « Voir Juste », tel qu’il est initié par Douglas, est sans prix. Il permet la chose la plus difficile, celle sur laquelle les philosophes de tous bords ont achoppé pendant des siècles : révéler, au-delà de tous concepts, l’observateur immuable de cette agitation, observateur dont l’essence est Je Suis
Ce cœur de nous-mêmes, Douglas nous permet de l’atteindre grâce à des moyens simples, toujours disponibles, et irréfutables parce qu’ils révèlent l’évidence. Prenons conscience de la valeur de ce qui nous a été donné et ... VOYONS.
Vivre
Le principal handicap de la vision sans tête, disait souvent Douglas Harding, est sa simplicité. C'est toujours vrai.
La tradition judéo-chrétienne nous laisse, croyant ou non, dans l'idée que se connaître soi-même est le résultat d'un long travail, nécessitant efforts et sacrifices.
Nous sommes tellement conditionnés qu'il nous est difficile d'abandonner les idées préconçues et je cherchais à tâtons la vérité. Je savais que c'était à l'intérieur de moi, tous les sages l'affirment. Il m'a suffit d'assister à un atelier de Douglas, et cette vérité, je l'ai VUE.
C'est grâce à Douglas que j'ai découvert ce centre de moi-même qui est le support de tout ce que j'éprouve, toujours présent, attendant que je veuille bien cesser de fantasmer et accepter de le reconnaître. Je ne pouvais l'ignorer ! Le doigt tendu me désignait cette étendue libre et transparente où il n'y a plus ni intérieur, ni extérieur.
Il faut de l'audace pour adopter la Vision Sans Tête, même après en avoir constaté la justesse. L'ego s'affole, il est court-circuité. La raison aussi s'inquiète, « Serait-ce vraiment aussi accessible ? » Et pourtant, quel autre effort avais-je à faire avant de constater que ce que je recherchais je l'avais déjà ?
Un peu plus tard, en 1978, Douglas m'a mis dans les mains le premier livre anglais des entretiens de Nisargadatta Maharaj. Un maître dont je n'avais jamais entendu parler. Ce fut une révélation.
Descartes a affirmé « Je pense donc Je Suis. ». La sagesse indienne, elle, dit « Avant la pensée Je Suis. » et grâce à Douglas j'ai effectivement Vu que je suis « Cela ». J'ai habité ensuite de plus en plus souvent cet espace libre, toujours présent, qu'un simple rappel intérieur permet de retrouver.
Je travaille beaucoup sur mon corps. Ce porte-conscience est un ami sur, il ne triche pas. Je ressens son poids, son volume ce qui ne peut s'effectuer que dans l'instant présent. Je reste avec ce ressenti global accordé par la Vision, accompagné du paisible flux et reflux de la respiration. Et Je Vois ce libre espace que je Suis. Il n'y a plus là que Présence, contact avec l'instant, harmonie, amour. Que pourrait-on souhaiter de plus ?
Ce Rappel de Soi que Gurdjieff cherchait avec tant de difficulté à faire appréhender par ses disciples, Douglas l'a mis à notre disposition. Il nous a révélé la présence continuelle de cet espace à la fois vide et plein.
Alors profitons-en et VIVONS LE !"
Go Home
"Les expressions populaires reflètent souvent une grande sagesse. On dit couramment de quelqu'un plongé dans une violente colère " il est hors de lui ! " C'est très justement observé.
Nous vivons la plupart du temps hors de nous-mêmes, strictement parlant, c'est-à-dire fascinés par les objets extérieurs, les formes et les idées y compris celles que nous avons de nous-mêmes, nous nous percevons de l'extérieur. Il n'y a qu'à se poser devant une glace et observer où mécaniquement se porte notre attention. Elle est là devant... Nous sommes là, à 50 cm de nous dans le miroir !
Cette situation paradoxale est l'attitude habituelle des humains.Ils croient voir les choses au dehors. Ils parlent de deux mondes, un monde intérieur et un monde extérieur, le premier étant le déroulement des pensées, l'autre ce que perçoivent les sens. C'est l'ego, cet ensemble de caractéristiques en général fausses, que nous avons adoptées comme étant "moi ", qui entretient ce leurre et il est grand temps, quand on voit où ce comportement conduit l'humanité, de se demander avec gravité et urgence : " Que suis-je vraiment ? Est-ce que je corresponds à cette identité enregistrée par l'état civil, à ce que je crois être et qui change au gré de mes humeurs... ? "
La réponse est non, et on le sait très bien au fond de soi, mais... que faire ? On n'a pas le temps.,., le travail est là, les soucis, la famille ! On est occupé, découragé, et où trouver la lucidité quand la recherche de " la sagesse " semble bien souvent n'être qu'un " bizness ! ".
Si vous vous trouvez dans ce cas, essayer de rencontrer Douglas HARDING* ! " C'est agréable, c'est rapide et ce n'est pas cher ". Douglas dit lui-même que la réalisation de notre véritable nature est la chose la plus simple, la plus évidente du monde, suivant d'ailleurs en cela de nombreux sages.
Avec bon sens, logique et lucidité, Douglas HARDING a réussi, en effet, à rendre immédiatement sensible une expérience de dépassement, survenue il y a des années, qui lui a permisde plonger dans ce qu'il avait toujours été sans s'en être aperçu : pure vacuité, lumière aveuglante de l'être ne connaissant aucune limite, illuminant toutes choses.
Douglas permet à chacun de voir - très concrètement "voir " - la source de cet ego avide d'usurper une existence artificielle. Toutes nos idées et habitudes de comportement constituent un conditionnement qui pour nous est une vérité. Mais ce capital n'est disponible que grâce à la conscience, il est nourri par les énergies de la vie qui est impersonnelle. Alors plongeons directement au coeur de nous-mêmes, avant toutes les catégories, les choix et jugements. Baignons-nous dans le " Je " tout court, sans extériorisation, le " Je " qui simplement éprouve " je suis " sans aucun besoin de l'exprimer ( pour qui l'exprimerait-il ? ).
Découvrons que ce qui est habituellement nommé notre intérieur, n'est qu'un vaste espace libre, une absence de quoi que ce soit et surtout d'un Paul, Pierre ou Jacqueline, doté de tel ou tel défaut ou qualité. Vivons la libération que constitue cette vision de l'espace libre qui est nous-mêmes, vivons cette expérience qui change notre vision du monde : " Je ne suis pas cette personnalité continuellement pressurée par les opinions et les points de vue, par le besoin d'avoir raison, de prouver ses qualités en niant ses défauts. Je ne suis qu'ouverture, spontanéité, légèreté. Je crie au monde " Je vous aime! " Cet amour paisible constitue la base de toutes les religions qui ne se sont pas laissées dessécher par la lettre et c'est l'esprit des arts martiaux, dont la longue et patiente pratique ouvre à cette transparence que Douglas rend évidente en une seule rencontre.
" Nous ne sommes jamais face à face avec les autres, dit Douglas. Quels autres ?... tout vit en moi ! " Même en cas de conflit, l'absence de résistance annihile l'élan agresseur de celui qui vous attaque. Pour qu'il y ait affrontement il faut qu'il y ait deux opposants. " Mais nous ne sommes jamais face à face, s'écrie Douglas, nous sommes face à espace ! "
Le choc provoqué par une telle découverte est grand et exaltant, mais continuer à le percevoir, à le vivre, est autre chose. Nous sommes tellement habitués à faire pression sur tout ce qui nous entoure, à nous appuyer sur des concepts et certitudes - étant bien entendu que j'ai raison et que les autres ont tort -que nous dépensons une énergie considérable à maintenir ce personnage qui n'est qu'un artifice et lorsque nous voyons l'évidence de sa fausseté... nous perdons la tête !
Oui, nous la perdons... L'ego, alors, voit le danger qui le menace et captive à nouveau notre attention en la plongeant dans le flot de pensées et d'émotions qui sont notre pâture habituelle. Il faut donc récupérer l'énergie gaspillée par ce continuel besoin de bouger, d'anticiper, de faire... La grande habilité de l'ego est de nous faire croire que c'est difficile, ce qui est faux puisque la source, le soutien de l'ensemble : c'est moi. Le vrai moi, ma conscience.
Il faut donc continuellement revenir vers le centre, ne plus être hors de soi, mais chez soi...! " Paul... Go Home ! "
Mais il n'y a pas à s'inquiéter, une fois découvert ce centre se rappelle de lui-même à votre attention, car la quête de soi-même est 1 a quête de la joie.
Paul Vervisch
publié dans la revue Point Zéro en 1992.
Nisargadatta Maharaj et Douglas Harding
Pour construire une maison on choisit de bons matériaux et on s'assure d'avoir des fondations solides. On pourrait croire que lorsqu'il s'agit de spiritualité on agit de même et pourtant c'est rarement le cas. On se laisse souvent séduire par des constructions de mots qui au premier orage se flanquent par terre.
Nous possédons un corps et une conscience, unis par le souffle vital, ce sont les seuls outils à notre disposition. Nous seuls pouvons les utiliser – en observant à partir du centre lucide et permanent vers lequel pointe continuellement Douglas – pour découvrir la fausseté des multiples convictions qui nous habitent.
Notre époque fournit une dramatique démonstration de ce que provoque la soumission à des concepts sans oser les remettre en question, aussi le premier devoir du chercheur est de douter jusqu'à ce que cela ne soit plus possible.
C'est à quoi excellait Nisargadatta Maharaj. Ce grand sage savait qu'il ne suffit pas de qualifier notre monde d'illusoire (alors qu'il constitue pour nous la seule réalité) pour nous faire appréhender la fausseté de cet univers. Aussi, cherchait-il avant tout à nous mettre en face de nos contradictions, à nous faire buter sur notre conditionnement. Il nous bombardait de questions jusqu'à ce que, en nous-mêmes, se produise une prise de conscience. Le faux une fois constaté, le vrai est accessible.
Un jour j'ai dit à Maharaj que je n'arrivais pas à formuler une définition de ma véritable nature. Il m'a répondu « Dites : je suis ce par quoi je sais que je suis. »
Extrait de l'entretien n° 28 extrait du livre de dialogues de Nisargadatta Maharaj, Je Suis
Question : Je viens d'un pays lointain. J'ai fait mes propres expériences intérieures et j'aimerais que nous échangions nos impressions.
Maharaj : Tout à fait d'accord. Vous connaissez vous vous-même ?
Q : Je sais que je ne suis pas le corps. Pas plus que je ne suis le mental.
M : Qu'est-ce qui vous autorise à parler ainsi ?
Q : Je sens que je ne suis pas dans le corps. Il me semble occuper l'espace, être partout. Et en ce qui concerne le mental, je peux, pour ainsi dire, le brancher et le débrancher à volonté. Ceci me fait ressentir que je ne suis pas le mental.
M : Quand vous sentez que vous occupez tous les endroits du monde, restez-vous séparé du monde ? Ou bien, êtes-vous le monde ?
Q : Les deux. Il m'arrive de sentir que je ne suis ni le corps ni le mental mais un regard unique percevant tout. Quand je plonge plus profondément dans cette sensation, je suis tout ce que je vois, et le monde et moi ne faisons qu'un.
…
M : Comment êtes-vous parvenu à votre état présent ?
Q : L'enseignement de Sri Ramana Maharshi m'a mis sur la voie. Puis j'ai rencontré un certain Douglas Harding qui m'a montré comment me pencher assidûment sur « qui suis-je ? »
M : Est-ce que cela fut soudain ou progressif ?
Q : Réellement soudain. Comme quelque chose de totalement oublié qui resurgit dans le mental. Ou comme un éclair de compréhension. « Que c'est simple, ai-je dit, que c'est simple ; je ne suis pas ce que je pensais être ! Je ne suis ni le perçu ni celui qui perçoit ; je ne suis que l'acte de percevoir. »
M : Pas même l'acte de percevoir, mais ce qui rend tout cela possible.
...
L'entretien n° 34 constitue un échange des plus instructifs entre Maharaj et un européen enseignant le yoga, qui a du trouver bien rude la réponse suivante : « Si vous faites confiance au temps, il vous faudra des millions d'années. »
Une belle métaphore dans l'entretien n° 35 : « …On ne fait pas le ménage dans une pièce noire. On commence par ouvrir les fenêtres. Laisser pénétrer la lumière rend les choses plus faciles. ... Il est inutile de se laisser entraîner dans une ronde de questions sans fin, trouvez-vous vous-même, et tout se mettra en place de lui-même. »
Et le cœur de l'intense entretien n° 36 : « Quand je dis "je suis", je ne veux pas dire que je suis une entité séparée dont le corps serait le noyau, je veux dire que je suis la totalité de l'existence, l'océan de la conscience, l'univers entier de ce qui est et de ce qui connaît. Je n'ai rien à désirer parce que je suis à jamais complet. »