La rumeur du divin
Nous rééditions chez Almora un livre de Jean Bouchart D'Orval
La rumeur du divin
Dans ce recueil de courts textes incisifs, Jean Bouchart d’Orval nous invite à écouter comme pour la première fois quelques paroles principalement tirées des Évangiles ou de l’Ancien Testament et à nous laisser saisir par la puissance de Vie qui s’en dégage.
Il ne s’agit pas ici de croire à des histoires anciennes mais de faire l’expérience de la lumière unique de Dieu qui nous révèle en nous ce qui ne meurt pas. Et à entendre la rumeur de Dieu.
En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, Je Suis.
Jean 8, 58
«Avant qu’Abraham fût, Je Suis.» Cet «avant» signifie chaque instant, maintenant et plus précisément: hors du temps. Ce qui est avant, c’est la vérité de l’univers, la lumière du monde. C’est la réalité de chaque modalité de l’existence. L’apparition d’Abraham, à une époque donnée de l’histoire est une modalité de la vie. L’apparition de Moïse, de Jésus ou de Muhammed sont aussi des modalités de l’existence. Mais la réalité de tous ces phénomènes est «Je Suis»: c’est pourquoi il est dit que «Je Suis» vient avant Abraham. Pour décrire ce qui est réel dans Abraham, le maître emploie le passé: fut. Mais pour décrire la réalité d’Abraham, il n’utilise ni le passé simple, ni le passé composé, ni le passé antérieur: rien qui puisse se référer à un autre moment que l’Unique Moment intemporel. Le maître dit «Je Suis»: le présent de l’indicatif. Car «Je Suis» est présent, mais il ne peut être montré: on ne peut que l’indiquer. Ce pourrait être un infinitif aussi: «Avant qu’Abraham fût, Il y a[1]. Dans «Je Suis», le Je et le Suis sont une seule et même réalité intemporelle.
(...)
Or, avant, pendant et après tout cela, «Je Suis»: c’est le pur Regard qui sait tout ce que nous savons et qui sait qu’il n’y a «rien» dans le sommeil profond. C’est le pur Regard qui sait désormais qu’il n’y a que le pur Regard. Quelle preuve en avons-nous? L’univers entier est la preuve du Regard. Si vous savez que vous pouvez lire ces lignes, vous êtes ce Regard intemporel. Si vous savez que vous pensez, alors vous êtes intemporel, ou éternel comme disent les Écritures. Si vous savez que vous ne pensez pas, alors vous êtes éternel. Si vous savez que vous n’êtes pas éternel, alors vous êtes éternel. Si vous ne savez rien, alors vous êtes éternel. Le Regard est non né, intemporel, éternel. Tout pointe vers le Regard: tout ce que nous percevons, tout ce que nous pensons, tout ce que nous faisons. Celui qui sait qu’il est athée, qui sait qu’il n’y a pas de Dieu, montre par le fait même l’existence de Dieu. C’est pourquoi la voie du Simple n’est pas celle d’un changement de comportement imposé, d’un code moral, d’une technique à pratiquer ni de tout ce qui se réfère à un devenir. Il existe une façon simple de se laisser toucher par le Simple; c’est d’ailleurs la seule façon. Il n’y a qu’à aller au bout de ce que nous avons entrepris en venant au monde et cesser de négliger la plus grande évidence de tous les temps. Car au bout de toute perception et de toute pensée il y a le Regard, qui est le Simple, qui est l’Éternité."
Jean Bouchart D'Orval