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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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8 octobre 2013

Entretien indédit avec Nisargadatta Maharaj par Alain Porte : 1

Voici un entretien entre Nisargadatta Maharaj et des visiteurs relaté par Alain Porte qui lui rendit visite en 1979.

L'entretien est paru dans la revue Être de Jean Klein.

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"CHEZ MAHARAJ par Alain Porte

 

 

Shrî Nisargadatta Maharaj ? Un personnage hors du commun. Il reçoit à l'entresol de sa maison. Une échelle de meunier conduit au sanc­tuaire. La chambre ne contient guère plus de 20 personnes à la fois. Près de l'étroite baie grillagée, Maharaj vit, assis en tailleur. Il fume des beedies, 4 ou 5 bouffées et la cigarette est vivement jetée dans un pot en cuivre. L'encens se consume à foison. Sa Présence fait surgir un espace : l'océan. On est au coude à coude, mais jamais d'oppression, malgré l'exiguïté des lieux.

Près de Maharaj-, face à l'audience, le cartel des traducteurs, carre­four des questions et des réponses. Ces relais du dialogue sont souvent des média frustrants ; ils connaissent si bien le « sujet » qu'ils ne résis­tent pas aux pieuses délices de s'offrir un petit récital personnel. D'un mot bref, d'une locution, ils tirent la farine d'un paragraphe entier.

Maintenant, le public est plongé dans un mutisme méditatif : les questions sont encore volutes, le cri du cœur chemine dans le silence.

La spontanéité de Maharaj peut nouer les langues, épaissir l'émotivité jusqu'à l'état de sang caillé. Jamais je n'ai rencontré un guru qui dégage une telle puissance vitale ! Ses yeux sont de feu noir, ils vous percent sans vous jauger, leur acuité est totale.

Son énergie existe, une énergie libre. Une aisance si physique qu'on en subit la contagion : on se sent hissé vers une respiration plus large, vers une détente, mais en même temps, on perçoit ses propres aspérités, on se découvre des courbatures centenaires.

L'homme est vivant en diable : il scande sa réponse (les mots cré­pitent) en martelant sa cuisse du plat de la main. Il peut lever les bras au ciel et les agiter comme deux sémaphores, ou bien exploser de rire, littéralement. Il peut encore houspiller l'assistance qui, du coup, en avale langue et quant-à-soi.

« Posez des questions, nous sommes là pour parler, pas pour dor­mir ! Sinon, allez-vous-en ! »

 

De telles sorties incitent les auditeurs à se terrer comme des lapins quand le tonnerre tire le canon, ou à aplatir le padmâsana (1) jusqu'au chapati (2). Soit. Pourtant, où est l'agressivité ? Où est la hargne ? Je n'en ai trouvé miette.

On le dit « réalisé ». Il dit « Je suis ». II ne dit rien d'autre. Il ne vit rien d'autre. « Il est ». Il a la vigueur du fait nu : Une vérité si incan­descente qu'elle effraie. Maharaj n'est pas un tiède. « Je ne suis pas ce corps », dit-il, « Je suis ».

Ce sont des mots sans verbalisme. C'est la transmission d'une expé­rience et celui qui parle, c'est le Témoin de cet état.

 

(1)  padmâsana : la position du lotus.

(2)  chapati : crêpe indienne (notes de la rédaction).

 

ENTRETIEN DU 8 AOUT 1979 AVEC DIVERS INTERLOCUTEURS

question : Quand on est à la recherche de soi-même et que l'on sent que la seule solution est l'Amour, quelle est l'importance de la relation avec autrui ? Quelle est la juste attitude envers les autres ?

Le Soi signifie Amour, seulement Amour. Il devrait en être de même dans vos relations avec les autres, les autres aussi sont le Soi. Avec eux il ne devrait y avoir que l'Amour, seulement l'Amour. Comme vous vous traitez vous-même, vous devez traiter les autres. (Pause.) Une question très simple est aussi une question très profonde. Aux mots ripostent d'autres mots. Mais tous ont disparu ; la question a disparu, la réponse a disparu, et les mots se sont évanouis... Et le Soi, qu'en est-il ?

 

La seule chose dont nous pouvons prendre connaissance est que nous n'aimons pas, bien qu'il soit tout à fait vital d'aimer.

Vous en concluez que nous n'aimons pas. Avez-vous compris votre Soi et aussi le point de vue à partir duquel vous parlez de l'Amour ?

 

Oui, j'ai compris qu'aimer quelqu'un, c'est le prendre en considé­ration, et notre attitude envers lui devrait être la même qu'envers soi-même. Mais voilà, je constate que mon attitude à l'égard des autres n'est pas la même.

Vous vous comportez selon vos désirs. Mais si vous vous observez, si vous savez ce que vous êtes, si vous savez l'Amour que vous êtes, et si l'Amour, le sens du Soi, n'est pas là, alors le monde n'est pas là ! Si vous « êtes » et si « vous êtes » veut dire : — dans l'état d'Amour — alors le monde existe. Si vous n'êtes pas, c'est-à-dire si l'état d'Amour n'est pas, le monde n'existe pas non plus. Le problème de votre bonheur ou de votre détresse dépendra entièrement de la compréhension de votre propre Soi.

Pourquoi avons-nous le sentiment que nous ne sommes pas dans l'état d'Amour ? Que nous n'aimons pas ?

Quelle est l'entité ou le principe qui dit : « je n'aime pas » ? Qui parle ? Uniquement ce qui prétend être (« I-am-ness »), c'est le principe qui parle.

 

Oui, quand je prends conscience de ma dualité, je cherche à aimer, je voudrais, aimer, je sens que dans ma dualité je n'aime pas, je voudrais atteindre l'Unité.

Si l'Amour - le Soi — n'est pas là, à quoi sert-il de faire quelque chose ? Quelle est l'utilité d'agir ou de se comporter d'une façon ou d'une autre dans lè monde si le Soi, l'Amour n'est pas là ?

 

Vous voulez dire que la dualité est pure imagination, pure illusion ?

L'état primordial était celui où vous n'étiez pas engagé dans la connaissance de vous-même. Maintenant, vous avez conscience de vous-même et cette conscience a fait surgir la dualité. Avec la démarche pour vous connaître (personnellement) a commencé la dualité. Sans cette démarche, c'est l'état d'Advaita.

 

Dans notre vie de tous les jours, nous percevons la présence d'un ego. Ce que nous désirons faire pour nous-mêmes, nous ne désirons pas le faire pour les autres, et cela provient de l'ego.

L'ego — ahamkâra — est le résultat de notre identification avec le nom et la forme, avec le « je suis ce corps ».

 

Comment s'en débarrasser ? Quel est le processus ?

Vous n'avez rien à faire. Vous « êtes », votre Amour « est ». Le savoir suffit. Associez-vous seulement à cela. Faites-en vous-même la synthèse.

Comment se débarrasser de l'égoïsme ou de l'identification avec le corps ?

Ne faites pas autre chose qu'être pleinement associé avec le Je-suis (I-am-ness), qui est Amour. Soyez uniquement un avec cela. Soyez inti­mement associé avec ce Je-suis.

Mais cet état (I-am-ness, Amour) peut seulement être expérimenté. On ne peut en parler.

Avant d'être associé à ce principe, bornez-vous à comprendre que c'est l'état d'Advaita (non dualité). Mais nous n'y sommes pas et c'est dans la dualité que cette association se laisse nommer. En ce moment, vous existez dans les perceptions de votre corps, dans vos sens. Essayer de ne faire qu'un avec votre propre Soi est un faux problème. Compre­nez que vous êtes déjà Un.

Oui, mais ce que je comprends est seulement intérieur et quand je suis hors de cette expérience, je me mets à parler d'Amour, je désire être ceci ou cela, je ne suis pas heureux, d'autres le sont... Quand je suis dans l'état d'Amour, la question ne surgit pas.

Amour signifie connaissance du Je-suis. Vous voulez « être ». Ne cessez pas d'être Un avec votre être, c'est votre seul besoin, c'est cela l'état d'Amour.

C'est seulement une expérience ?

C'est le père de toutes les expériences : Qu'entendez-vous par Amour ? Ah ! Oui ! L'apparition de la connaissance du « Je-suis ». Et je voudrais que ce savoir dure ; je voudrais que ce Je-suis continue. Je voudrais maintenir cet Amour, ce Je-suis. Il s'ensuit que j'éprouve de nouveau de simples besoins. Il s'ensuit que je suis impliqué dans de nombreuses actions, dans l'amour, la haine, la jalousie, etc. Et c'est tout juste bon à maintenir l'état « Je-suis ». Pourquoi les gens ont-ils un com­portement asocial ? Tout simplement parce que vous désirez maintenir votre état d'être.

Alors, ce « je-suis » devient à son tour quelque chose. Hors de l'expé­rience, il ne reste plus que : Je sais que je suis, un parfum dont j'ai à me souvenir...

Antérieure à l'expérience, la connaissance de ce que vous êtes est là. Soyez là et nulle part ailleurs. Nous sommes tellement captivés par le monde objectif et par la jouissance des expériences objectives qu'il est vraiment étrange que des êtres se mettent à la recherche de la vérité, à la recherche de leur propre Soi. Vous, jeunes gens, vous foncez tête baissée pour découvrir la vérité de votre Soi, et cela m'intrigue. Au lieu de jouir pleinement, carrément de la vie, vous vous ruez à la recherche de la vérité, de votre Soi, et cela me surprend !

Probablement, beaucoup sont déçus et frustrés dans le monde objectif et c'est précisément parce qu'ils s'y sont rués...

Ce n'est pas cela. A quoi bon signaler la frustration du monde objectif ! C'est intrinsèquement dans l'être de chaque individu à la recherche de la vérité, c'est intrinsèquement là que doit s'effectuer la recherche de la vérité."

Par Alain Porte (à suivre)

 

 

Commentaires
P
je cherche un disciple de Nisargadatta qui enseigne mais je désespère car je ne trouve personne en France en tout cas.
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J
bien sur, mais ce n'est pas tant de le dire ; qu'en est-il vraiment ? Ce n'est pas tant ce que les uns et les autres disent aussi nobles et saints qu'ils soient. L'enseignement est une chose , que restera t'il ? il a son utilité ... au début.. il faudra le laisser, et le plus tôt sera le mieux, que restera t'il ? La conviction, si l'élève est sérieux que rien ne sera plus comme avant, la conviction d'avoir toucher quelque chose de palpable, de sérieux .... la graine est semée...
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R
Totalement exact jmarc... c'est ce qu'affirment Nisargadatta, Ranjit et tous les maîtres spirituels de cette tradition. Les anciens patriarches du zen n'enseignaient rien d'autre eux aussi.
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E
tant qu'il y a "Je Suis' il y a recherche. La recherche se termine avec "Je Suis", et on devient CE qui EST;
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N
Tous ces commentaires . . . . ne sont ils pas le mental pris en flag ? et ça aussi c est le mental ? non ? alors ?
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