Que doit-on faire?

Une personne ayant participé à un stage sur l'enseignement de Douglas Harding me pose cette question :

"Une question revient souvent pour moi..... je vais essayer d'être clair....

Pour l'instant, je vois qu'il n'y a rien au-dessus de mes épaules ou plutôt, qu'il y a tout, dès lors que je retourne mon attention. Il arrive, très rarement, qu'un silence apparaisse et alors là il n'y a plus de question, une pensée apparaît puis disparaît, les sons également... il ne reste que ce qui est. Et c'est très bien comme ça....

Le problème (la question) est pour les longues périodes en dehors de ces espaces de silence :

Lorsque l'on a un projet, par exemple créer une association ou autre, il peut y avoir des obstacles. Comment déterminer si l'obstacle est une incitation à changer de chemin, de projet (comme un signe) ou si l'obstacle est juste là pour être accepté et dépassé ?

Je sais que des grands sages comme Ma Anandamoyi ont eu de nombreux obstacles pour construire ou financer des Ashrams, des projets... Dans le silence on laisse faire le corps/mental qui se débrouille très bien tout seul. Mais dans le brouhaha du mental c'est beaucoup plus difficile de savoir ce qui doit être fait.

Le fait de retourner son attention suffit pour être bien, paisible. Finalement, la tentation est grande de s'assoir sur un banc, retourner son attention et savourer tout ce qui apparaît dans la conscience (les chants d'oiseaux, les bruits, les couleurs, les arbres, le vent etc...). Il n'y a alors plus d'obstacles, plus de questions.

Mais alors il n'y a plus d'actions, plus de projet non plus. Je ne suis pas pour l'action "à tout prix" mais je pense que savourer la plénitude sur un banc n'est pas non plus le meilleur moyen de vivre cette humanité. Alors, pour conclure, en attendant un éveil complet, comment trouver son chemin ?

Si tu peux m'éclairer sur ce point cela m'aiderait. Merci pour la réponse éventuelle mais aussi le blog, les livres etc...

Amitiés"

Déjà, je trouve remarquable que tu puisses vivre à partir de cet espace et accueillir ce qui se présente et en jouir. Tu me dis que tu "vois qu'il n'y a rien au-dessus de tes épaules ou plutôt, qu'il y a tout, dès lors que tu retournes ton attention"  ; c'est un très profond secret que tu as trouvé ainsi et je suis heureux que l'enseignement de Douglas Harding t'ait aidé. Cette attention à la source du regard donne accès à une grande paix.

Bien sûr, il s'agit de vivre à partir de cette vérité à chaque instant de la vie, dans l'action, et pas seulement assis sur un banc, en effet.

Tu me demandes alors : que dois-tu faire dans l'action? Comment à la fois agir et voir l'espace?

Je comprends la question : en effet l'espace accueille toutes les situations sans préférence, avec la même paix, pourquoi alors préférer telle ou telle action? pourquoi vouloir tel ou tel projet?

Voici quelques éléments de réflexion.

1) l'action aura lieu; des désirs vont apparaitre. Notre partie individuelle et humaine ne va pas être anéantie; des désirs sont là, jaillissant du vide.Le désir est une expression de la vie. Et cela n'empêche absolument pas d'être conscient de la vacuité.

2)mais ces désirs n'ont plus la même force qu'autrefois, car nous ne sommes plus identifiés au désir. Si les désirs peuvent être satisfaits (faire une association, publier un livre) c'est bien, s'ils ne le sont pas c'est bien aussi. Ce que nous sommes ne dépend pas de la réalisation de tel ou tel désir. Ce sont des vibrations dans la conscience.

3)le désir surgit du vide; personne ne désire. Ce n'est pas le désir d'un "je" mais une conscience qui prend la forme d'un désir. Qui désire?

4)les désirs et l'individualité en général se réorganisent autour de la vacuité, comme de la limaille de fer s'oriente sous la force de l'aimant. Certains désirs tombent complètement (le désir de briller en société), beaucoup se mettent à l'unisson de ce qui a été découvert (le désir d'en témoigner, d'exprimer l'unité, ou la compassion). Cela se fait avec le temps. Des désirs égotiques demeurent aussi, mais ils ne nous emportent plus comme avant.

5)Il n'y a pas de règle pour savoir ce que nous devons faire. Voir sa vraie nature, c'est accepter de vivre à partir de l'inconnu et du nouveau. Nous cherchons des règles dans l'action, nous cherchons des signes. Mais il  n'y a pas de signes, c'est nous qui interprétons les événements comme des signes. Nous voulons être rassurés; nous voulons un guide, une route déjà tracée.

Mais l'éveil est un chemin dans le non-savoir sans personne pour cheminer.

Ainsi, revenir à l'espace est le point essentiel. Vivre à partir de ce centre. Voir la vacuité et vivre à partir de sa paix qui nous délivre de l'attachement. Le désir n'est pas un problème, l'attachement oui.

Ensuite, faire confiance à la source, à la ressource du vide-plein. Chacun trouvera sa réponse et elle sera différente à chaque fois. Et unique.

Tu écris : "je pense que savourer la plénitude sur un banc n'est pas non plus le meilleur moyen de vivre cette humanité." Je ne suis pas d'accord avec cela. C'est une façon de vivre son humanité et la vastitude de son être. Qu'a fait d'autre Ramana Maharshi au pied de la montagne d'Arunachala ? C'était sa façon à lui d'être uni à la source. Et elle a bouleversé des dizaines de milliers de personnes, dont moi. Tu écris d'ailleurs : "Finalement, la tentation est grande de s'asseoir sur un banc, retourner son attention et savourer tout ce qui apparaît dans la conscience "  Et pourquoi pas? Cette tentation est l'appel de notre propre perfection. ICi, maintenant, ne rien faire, juste être, être tout et n'être rien, quel bonheur!! Mais vivre la vacuité en créant des associations, des entreprises...est tout aussi juste. C'est un jeu non?

je n'ai aucune règle à proposer, sinon celle d'accepter de faire un saut dans le non-savoir à chaque instant, et de tracer son propre chemin sans chemin. Ainsi la vie est une suite de surprises, et une aventure étonnante. Alors notre guide c'est ...la joie, l'amour, l'éveil.

En se souvenant toujours que nous sommes déjà arrivés ! L'éveil est déjà complet.

avec toute mon amitié.

jlr

Comments

[?]

d'honorer le soi (par le jeu, le travail, la danse, le silence, la prière, etc.)



Il s'agirait de suivre notre cœur d'enfant

[evelyne]

Merci José pour ton Partage et ta grande disponibilité.

[vincent]

très belle réponse, merci José de cette simplicité et de cette évidence qui se manifeste dans ces mots...Amitiès