ce n'est ni ceci ni cela.

Voici un magnifique poème très connu de Maitre Eckhart.

On y lit  cette phrase : "ce n'est ni ceci ni cela" qui se rapproche du "neti neti" "ni ceci ci cela" de l'advaita vedanta.

A noter aussi le lien avec l'enfance, encore une fois "Deviens comme un enfant,"

"C'est - mais personne ne sait quoi.

C'est ici, c'est là,
c'est loin, c'est près,
c'est profond, c'est élevé ;
c'est ainsi :
ce n'est ni ceci ni cela.

C'est lumière, c'est clarté,
c'est tout obscurité,
c'est innommé,
c'est inconnu
sans commencement et sans fin ;
c'est un lieu silencieux
qui s'écoule, indéfini.
Qui connaît sa maison ?
Qu'il en sorte celui-là,
et nous dise quelle est sa forme !

Deviens comme un enfant,
deviens sourd, deviens aveugle !
Le quelque chose qui est tien
doit devenir rien ;
quelque chose ou rien : tout va au-delà.
Laisse le lieu, laisse le temps,
laisse aussi l'image !
Va sans chemin
sur le sentier étroit :
ainsi viens-tu à la trace du désert."

Maître Eckhart

Il y a quelques années j'avais écrit un poème dans l'esprit de celui de Maitre Eckhart : :

"Je me suis cherché et je me suis trouvé
Et, ô surprise, je me suis perdu
Qui peut comprendre cela ?
Je me trouve en me perdant
Ô mystère, adorable mystère !

Ce que je suis, nul ne le sait
Car, unique, à qui pourrais je me comparer ?
Ma raison est maintenant dépassée
Comme la lumière d'une lampe en plein soleil
Et je ne sais plus rien.

Je suis un abîme et une cime
Je suis une ténèbre et une lumière
Je suis un point et un tout
Ou bien quoi ?

Entre Dieu et moi, nulle distance
Qui est le premier, qui est le dernier ?
Et je suis passé par delà toute connaissance.

Qui ? pas même cela."

José Le Roy

Comments

[Duc]

Gérard dit :
" perçois cet indestructible sentiment d'exister que j'éprouve sous la forme du "je suis" et que je garde immuable et incorruptible à travers le temps, depuis "ma" naissance."

Mystère d'être...

[Ozara]

Le "double regard" est à mon sens appelé à disparaître naturellement, dans le non-agir, pour n'être qu'UN regard... le regard avant les yeux, avant tous les sens, et auquel les yeux et tous les sens sont de la fête !

Alors peut-être cette 'Conscience avant' n'est-elle ni Conscience sans objet ni Conscience 'des' objets... car l'objet n'a jamais "vraiment" été réel en soi, sinon dans notre saisie conceptuelle ou sensorielle.

Libéré de la grotte aux projections, c'est l'éblouissement instantané, et le désaisissement d'être soi ou un Soi, pour la révélation de la vraie Apparence du monde, lumineuse, magique dans son continuum d'impermanence...

Le savoir que 'je suis' est un oubli en actualisation,
le non-savoir que 'je ne suis pas' est intuition en train de s'actualiser du monde en tant que non-monde...

[gerard]

Posté par Ozara, 06 décembre 2011 à 12:19


Dans "CE que je suis vraiment" il n'y a rien que la lumière, la Conscience sans objets: il s'agit de la Conscience elle même "vraiment" :-) , il s'agit du fait même de la Conscience et non pas de ce dont elle peut prendre conscience.
Pour autant que je peux l'expérimenter directement dans l'immédiateté, "CE que je suis vraiment" ne pointe "vraiment" rien, . Il y a seulement la lumière de la Conscience qui illumine dans la quasi-simultanéité tous ses objets, c'est à dire tout ce dont nous pouvons prendre conscience, comme le monde, le corps, l'esprit, et même ce fabuleux miracle du "je suis", soit ultime objet de la conscience avant la "dé-création", le RIEN, soit son premier objet vers la création, le PLEIN, mais encore objet de la Conscience. Nous ne pouvons pas être un objet de la Conscience, nous sommes la Conscience elle même comme l'expliquait Jean Klein et bien d'autres.

En d'autres termes, quand je pratique le double regard de la VST, LÀ BAS, je perçois l'ego comme le produit de mes identités sociales que j'assume pour exister (je suis ceci et cela) et si je regarde encore un peu plus proche de moi, je perçois cet indestructible sentiment d'exister que j'éprouve sous la forme du "je suis" et que je garde immuable et incorruptible à travers le temps, depuis "ma" naissance.
Je sens bien que ce "Je suis", qui va de soi pour chacun d'entre nous, n'est pourtant pas encore le Réel, mais une partie seulement du Réel.
Et ICI, à la source même de mon propre regard, l'expérience est une absence totale de perception d'ego et de "je suis" ; il n' y a plus rien et ce RIEN illumine le tout qui dans un même mouvement le remplit et l'exprime. "D'où s'évanouit ou surgit "je suis" et avec lui le monde, est toujours la Conscience ELLE MÊME . ICI je ne suis vraiment RIEN, et pourtant je suis aussi TOUT à la fois. ICI c'est l'essence et la Substance du monde en même temps, à la fois son unicité essentielle et sa multiplicité substantielle.
C'est, pour moi, le miracle du RÉEL : sa Vacuité foncière est pleine de vie (s), inséparable qu'elle est de la lumière de la Conscience, et tout çà est à la portée d'un simple regard à double sens.
Et le principal message que je retiendrais de Douglas est que nous sommes CONSTRUITS pour être ce RÉEL car pour ma part Je le valide à chaque fois en exerçant la VST.

[Ozara]

"Qui ? pas même cela"... comme l'écrit José...

:)

[Ozara]

cette clarté poétique qui vibre et fait vibrer les cordes sensibles, libérant la pensée de son mécanisme réactionnel et compulsif.

Et détrompe toi Gérard, ton message dégage aussi un parfum poétique et authentique, celui du Silence de la pensée et des mots.

Peut-être que CE que je suis vraiment est-il que vraiment, je ne SUIS pas ?