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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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9 novembre 2011

La vacuité par Stephen Batchelor

Voici un texte interessant de Batchelor sur la vacuité dans le bouddhisme.

Il insiste pour dire que la vacuité n'est pas un absolu qu'on pourrait chosifier mais plutôt une ouverture vers la liberté.

jlr

batchelor

"Connaître la vacuité, ce n'est pas seulement comprendre le concept. C'est un peu comme en forêt, lorsque vous tombez sur une clairière. Soudain, vous pouvez vous mouvoir librement et distinguer claire­ment les choses. Faire l'expérience de la vacuité, c'est faire l'expérience de cette bouleversante absence de ce qui détermine en temps normal l'idée que vous vous faites de vous-mêmes et du type de réalité dans lequel vous vivez. Cela ne va peut-être durer qu'un instant avant que les habitudes de toute une vie s'imposent à nous et nous rattrapent à nouveau, mais pour un instant, nous-mêmes et le monde nous sont apparus comme ouverts et vulnérables.


Cet espace calme, libre, ouvert et sensible est le cœur même de la pratique du dharma. Il est immé­diat, proche et vivant. C'est un chemin, un sentier. Il donne une indication du point invisible vers lequel les lignes de notre vie convergent. Il permet de se mouvoir sans buter sur des obstacles et il nous assure que nous ne sommes pas seuls. Il implique de faire preuve de gratitude à l'égard de ceux qui ont foulé ce chemin avant nous et de responsabilité à l'égard de ceux qui viendront après.


La « vacuité » est un terme qui prête à confusion. Bien qu'utilisé comme un nom abstrait, il ne renvoie nullement à une chose ou à un état abstrait. La vacuité n'est pas quelque chose que nous « réalisons » dans un moment de vision qui « perce » une réalité transcendante dissimulée dans un arrière-monde et néanmoins sous-tendant le monde empirique, pas plus que les choses n'émer­gent de la vacuité et ne s'y « dissolvent » comme si la vacuité était une sorte d'objet cosmique sans forme. Voilà diverses façons dont la vacuité a été prise pour une métaphore de consolation métaphysique et religieuse.


La « vacuité » est un terme particulièrement peu appétissant, qui est utilisé pour couper court à notre désir de consolation. Et l'ironie veut qu'il ait été mis au service de ces désirs. Shunyata (la vacuité) est traduit par « Le Vide ». Cependant, les traducteurs négligent le fait que le terme n'est ni précédé d'un article défini « le », ni magnifié par une majuscule. L'article défini et la majuscule n'existent d'ailleurs pas dans les langues asiatiques classiques. Dès lors, il suffit d'un pas, d'un bond, d'un saut pour faire coïn­cider la vacuité à des notions métaphysiques telles que l'« Absolu », la « Vérité », ou même « Dieu ». La notion de vacuité tombe sous le coup de l'habitude de pensée, celle-là même qu'elle était censée bousculer.


La vacuité est aussi dépourvue d'une identité intrinsèque que l'est une poterie, une banane ou une jonquille. Et s'il n'y avait pas de poteries, de bananes ou de jonquilles, il n'y aurait pas non plus de vacuité. La vacuité ne nie pas l'existence de ces choses, elle décrit simplement la manière dont elles sont dépourvues d'une identité intrinsèque et séparée. La vacuité n'est pas écartée du monde de l'expérience de tous les jours ; elle n'a de sens que dans un contexte où des poteries sont fabriquées, des bananes sont mangées, et des jonquilles poussent. Une vie centrée sur la conscience de la vacuité est tout simplement une manière juste d'être dans cette réalité changeante, bouleversante, douloureuse, joyeuse, frustrante, exci­tante, persistante et ambiguë. La vacuité est le chemin du centre qui nous mène non pas au-delà de la réalité, mais véritablement en son cœur. C'est le sentier sur lequel une personne centrée marche."

Stephen Batchelor, Le bouddhisme libéré des croyances, ed. Bayard, 2004, p. 124. traduit par Joa Sceton-Didi.

Voir aussi ce message déjà posté sur ce blog  Vacuité et mystère par Batchelor

Commentaires
G
"C'est [la Vacuité] un peu comme en forêt, lorsque vous tombez sur une clairière. Soudain, vous pouvez vous mouvoir librement et distinguer claire­ment les choses." <br /> <br /> La métaphore est juste ! en tout cas, elle exprime bien ce qui se passe pour moi, quand "l'ouverture" que crée mon "absence de tête" surgit du dessus de mes propres épaules.
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D
surtout le fait qu'il y ait des points de vue différents.<br /> Différentes recherches.<br /> Différentes enquêtes.<br /> J'adore ça.
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D
la conférence de David :<br /> Je trouve qu'il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il parle de ses adversaires ==> les bouddhistes.<br /> C'est beau les gens qui connaissent l'adversaire aussi parfaitement.<br /> Jamais je n'ai entendu une explication aussi percutante sur le sujet du bouddhisme.<br /> Pourtant David ne veut pas nous prouver que les bouddhistes ont raison. La saison prochaine il va nous parler du fond du fond de la reconnaissance Shivaïste du Cachemire.<br /> J'adore ce David.<br /> Même si je ne suis pas souvent en accord avec lui.<br /> Un vrai philosophe !
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P
" La vacuité est le chemin du centre qui nous mène non pas au-delà de la réalité, mais véritablement en son cœur. "<br /> <br /> hééééé oui la vacuité est un "etat d'ouverture" qui comme tout les objets pointe vers la conscience : le coeur meme de la réalité ..
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E
"... la vacuité n'est pas un absolu qu'on pourrait chosifier mais plutôt une ouverture vers la liberté."<br /> <br /> jlr<br /> <br /> Merci José :)<br /> <br /> Tout est dit ;)<br /> <br /> <br /> Je diffuse l'info.
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