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Eveil et philosophie, blog de José Le Roy
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30 mai 2010

Thomas Merton : la conscience non-duelle

Voici un très beau texte de Thomas Merton sur la conscience non-duelle au-delà de l'objet et du sujet:

merton

"Rappelons-nous, cependant, qu'une autre conscience —-métaphysique — est encore accessible à l'homme moderne. Elle ne procède pas du sujet pensant et conscient de soi, mais de l'Être, vu ontologiquement comme au-delà de la division sujet-objet et antérieure à elle. Sous-jacente à l'expérience subjective du moi individuel, il y a une expé­rience immédiate de l'Être. Celle-ci est totalement différente d'une expérience de conscience de soi. Elle est complètement inobjective. Il n'y a rien en elle de cette division et de cette aliénation qui se produisent quand le sujet prend conscience de soi comme d'un quasi-objet. La conscience de l'Être (qu'elle soit considérée positivement ou négativement, en apophase, comme dans le bouddhisme) est une expérience immédiate qui dépasse la conscience réfléchie. Ce n'est pas la « conscience de », mais la conscience pure, dans laquelle le sujet en tant que tel « disparaît ».
Postérieurement à cette expérience immédiate d'un fond qui dépasse l'expérience apparaît le sujet avec sa conscience de soi. Mais, comme l'ont souligné les religions orientales et le mysticisme chrétien, ce sujet conscient de soi n'est pas final ou absolu ; c'est une construction (de soi) provisoire qui n'existe, à des fins pratiques, que dans une sphère de relativité. Son existence n'a de sens que dans la mesure où elle ne devient pas fixée ou centrée sur elle-même comme but final, où elle apprend à fonctionner non comme son pro­pre centre, mais « de Dieu » et « pour autrui ». Le terme chrétien « de Dieu » implique ce que les philosophies reli­gieuses non théistes conçoivent comme un Centre unique hypothétique de tous les êtres, ce que T. S. Eliot nommait « le point immobile du monde tournant », mais que le bouddhisme, par exemple, ne se représente pas comme un « point », mais comme le « Vide » (et le Vide ne se repré­sente pas du tout, bien sûr).
Bref, cette forme de conscience affecte un genre de conscien­ce de soi totalement différent du moi pensant cartésien, qui est sa propre justification et son propre centre. Ici, l'individu a conscience de lui-même comme d'un moi-à-dissoudre dans le don de soi, dans l'amour, dans l'« abandon », dans l'ex­tase, en Dieu (il y a bien des façons de l'exprimer).
Le moi n'est pas son propre centre, et il ne décrit pas d'orbite autour de lui-même ; il est centré sur Dieu, unique centre de tous, qui est « partout et nulle part », en lequel tous se rencontrent, de qui tous procèdent-. Ainsi, dès le départ, cette conscience est ordonnée pour rencontrer P« au­tre », auquel elle est déjà unie de toute façon « en Dieu ».
L'intuition  métaphysique  de  l'Être  est  une intuition d'un terrain d'ouverture ; en fait, d'une sorte d'ouverture onto­logique, et une générosité infime qui se communique à tout ce qui est. « Le bien est diffusif de lui-même », ou « Dieu est amour ». L'ouverture n'est pas une chose qui s'acquiert, mais un don radical qui a été perdu et qui doit être recou--vré (bien qu'il soit toujours « là » en principe dans les racines de notre être créé). C'est là un langage plus ou moins méta­physique, mais il y a aussi une façon non métaphysique d'ex­poser la chose. Dieu n'est pas considéré comme Immanent ou Transcendant, mais comme une grâce et une présence, et ainsi ni comme un « Centre » imaginé quelque part « là dehors » ni « à l'intérieur de nous-mêmes ». Il n'est pas ren­contré en tant qu'Être, mais en tant que Liberté et Amour. Je dirais dès l'abord que l'important n'est pas d'opposer cette conception gracieuse et prophétique à l'idée méta­physique et mystique d'union avec Dieu, mais de montrer en quoi les deux idées cherchent vraiment à exprimer le même genre de conscience, ou au moins à l'approcher de façon différente." Thomas Merton, Zen, Tao et Nirvana


Commentaires
J
Je ne peux pas ne pas penser aux paroles de Houang-Po en entendant ces finasseries sur la conscience : "Où donc avez-vous un esprit ordinaire et un esprit extraordinaire ?" "<br /> <br /> Plus simplement, partant de notre expérience quotidienne,la conscience est déjà pleine, que voulez-vous ajouter ? Rien ne manque pour qu'elle soit en plénitude.
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P
Merton est l'un des religieux occidentaux les plus ouverts à l'orient, et il a su puiser à la sagesse bouddhiste pour mieux appréhender sa propre tradition, loin des apparentes contradictions de surface. Il a en particulier eu des contacts avec un maître tibétain , Chatral Rinpoché, que j'ai eu la chance de rencontrer au début des années 90, et qui est encore vivant aujourd'hui.Ce lama lui a permis d'expérimenter directement et de comprendre en profondeur ce qui reste le plus souvent obscur pour celui qui se contente de lectures ou d'analyses intellectuelles.
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P
merci beaucoup josé .. pour cette tres belle decouverte
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