Nouveau livre de Jean Biès
Mon ami Jean Biès vient de publier un nouveau livre aux Éditions l'Harmattan.
Dans ce livre "Vie spirituelle et modernité", Jean Biès dresse un portrait sombre de notre époque éloignée de toute spiritualité authentique ; il propose ensuite des chemins de renouveau. Il écrit :
"Nous sommes à la fin d'une époque. toute la question est de savoir comment traverser cette "crise" apocalyptique et en atténuer les effets. La vraie solution ne peut- être que spirituelle. Une nature ravagée, une société déstructurée, un totalitarisme massif ou feutré : il s'agit de recréer des cadres de vie, des modes d'existence, des attitudes intérieures susceptibles de sauver le meilleur de l'homme."
Ce renouveau passe notamment par une nouvelle philosophie ouverte à la dimension mystique et ésotérique.Voici un extrait :
"Le dévoilement des doctrines ésotériques
traditionnelles ne manquerait pas de
remettre en question bien des points indiscutés des seules philosophies
enseignées aujourd'hui à des millions de jeunes gens qui n'y adhèrent que par
ignorance des arguments contraires, lesquels sont ou bien caricaturés, ou bien
passés sous silence. Ce serait l'objet de tout un livre que de faire passer ces
philosophies au crible de l'ésotérisme, au terme de quoi il est à craindre que
ne subsisterait que la paille des darshana très limités qu'elles
représentent. Nous nous contenterons ici d'isoler à titre d'exemples
quelques-uns des axiomes dont la réfutation à la lumière des enseignements
ésotériques ne pourrait qu'entraîner la ruine, et à leur suite, celle des
philosophies fondées sur eux.
• Le Cogito, ergo sum, de Descartes.
Les doctrines orientales révéleront d'abord que
l'organe pensant n'est qu'un des centres existant parmi d'autres formes de
conscience, et que, sujet à variations incessantes, il ne peut être confondu
avec la conscience indépendante, inaltérée du Purusha qui réside par
derrière, et que Descartes n'a point pressenti. Elles feront ensuite remarquer que
le « je » n'est qu'un agrégat toujours changeant, insaisissable, évanescent et
irréel, fait d'habitus, facultés, dispositions, tendances sans fixité. Elles
montreront enfin que le penser n'est qu'un attribut de l'être, et que la conscience
d'être ne peut ne trouver subordonnée à l’expérience de la pensée.
C'est en inversant l'ordre de ses termes que le trop célèbre «Je pense, donc je
suis », serait susceptible d'exprimer une vérité beaucoup plus proche de la
Vérité.
• «La religion, opium du peuple », selon Marx.
Pour l'auteur du Capital, la religion perpétue
les rapports de dominants à dominés, en promettant au peuple un bonheur
illusoire dans l'au-delà, et l'endormant ainsi pour l'empêcher de prendre conscience
de sa condition misérable. Remarquons d'abord que Marx ne connaissait des
religions que le christianisme occidental, et sans doute cette connaissance même était-elle fort limitée. Mais
il ignorait que dans l'hindouisme, par exemple, les hommes des castes les plus
élevées étaient également ceux qui étaient soumis au plus grand nombre de
devoirs, et répondaient le plus rigoureusement au vœu de pauvreté. A propos
d'un bonheur illusoire promis au peuple dans l'Au-delà, Marx ignorait, de même,
que l'enfer et le paradis se trouvent d'abord en nous, durant notre séjour
terrestre. Enfin, loin de vouloir endormir, la religion se propose d’éveiller à
un
degré supérieur de conscience. C'est par simple incapacité spirituelle de la
plupart ou enlisement dans la routine que le but est rarement atteint ; la religion,
trop souvent confondue avec un clergé déficient, n'a pas à être incriminée pour
autant.
• Le « complexe
parental » de Freud.
Pour le fondateur de la
psychanalyse, la croyance en un Dieu tout-puissant ne serait que la révélation,
à l'âge adulte, d’une perception de ses parents par l'enfant, l'adulte se
reconstituerait par là un Père protecteur sur un mode sublimatoire ; la
religion serait fixation infantile, névrose, illusion. À supposer que les
explications de Freud puissent être appliquées aux religions monothéistes de type
patriarcal, les seules qu'il connût, comment pourraient-elles être prises en
compte dans le cas de spiritualités dont le principe est la Mère divine, ou
mieux encore, une entité neutre au-delà de tout spécification sexuelle, comme
le suprême Brahman ou le Tao ? Comment, dans le cas des polythéismes
où les dieux désignent tous les archétypes possibles, toutes les énergies
humaines et cosmiques ? Ces dieux seraient-ils même illusoires, l’hindouisme reconnaît la réalité psychologique et la valeur thérapeutique de l'illusion ;
toute illusion a pour support originel une vérité. De même, si Dieu est une idée inventée par
l'homme, on peut se demander d'où vient cette idée ? Si l'idée de Dieu, et donc
Dieu lui même, ne préexistaient pas à l'homme, comment celui-ci aurait-il pu
fabriquer de toutes pièces l'existence de Dieu ?
•Le « Nous sommes
condamnés à être libres », de Sartre.
L'homme sartrien n'est
pas libre d'accepter ou de refuser d'être libre. L'Orient dénonce l'inanité de
cette attitude : un être parfaitement libre serait Dieu. Or, l'être humain,
limité par le courant des formes et des conditions de son existence, ne peut
bénéficier d'une totale liberté : il ne naît ni ne meurt quand il veut, il
subit une hérédité, est esclave des conditionnements dont seuls pourraient
précisément l'affranchir les techniques d'éveil spirituel refusées par Sartre.
L'homme est seulement libre de sortir ou non de son esclavage, de choisir ou de
refuser Dieu. Ce dont l'existence sartrienne est surtout libérée, c'est de tout
principe ou valeur d'ordre transcendant. L'Orient nous apprend ici que le fait d’ »exister
» n'est rien s'il ne sert pas à « être », à tendre vers quelque chose qui soit
plus que la vie, en activant en soi les possibles de transfiguration. La lente
exploration du dedans montre que l'Enfer est non pas « les autres », mais
nous-mêmes et les autres en nous ; l'éveil au sentiment d'amour (qui garantit
seul l'authentique liberté puisqu'il nous laisse libre de choisir ou de refuser
Dieu), révèle que notre Enfer, c'est la souffrance des autres jusqu'à la fin du
monde. Sans doute, Sartre a-t-il décelé la « souffrance fondamentale » (le dukkha
bouddhique), mais, en se révoltant contre elle au lieu de la partager, il
s'est rendu l'esclave de sa révolte. Le sage traditionnel recherchera, au contraire,
la cause de cette souffrance, il la découvrira dans le «moi», et envisagera
scientifiquement les moyens internes de la dépasser. Quant au nihilisme auquel
Sartre aboutit, il ne peut plus être, dans ces conditions, que le reflet
inversé du « Non-Être » suressentiel.
Par leur irrésistible
tentation des bas-fonds de la pensée, par leur façon de proclamer l'humain sans se référer à rien
d'autre, avant de le nier lui-même par leur refus et leur incapacité de fournir
tout moyen de libération intérieure, par leur aboutissement à des formes
totalitaires d'enseignement, de sociétés et de régimes politiques, ces
philosophies désespèrent sans consoler, détruisent sans remplacer, accélèrent
la chute dans le chaos, diffusent l'évangile des terreurs crépusculaires. Elles
sont bien celles des hommes des dernières castes, qui sont ceux des dernières
cartes ; elles sont bien les pièces maîtresses et motrices de la grande
dislocation. L'extrême limite à laquelle elles tendent signe la fin de la
métaphysique occidentale.
Seul, leur remplacement
par leurs contraires constituerait l'élément susceptible de faire échapper au Kaliyuga,
ou de le traverser sans encombres, ou encore, de lui succéder. Il se peut
d'ailleurs que cette limite prépare en même temps le retour du pendule vers
l'autre pôle ; que cette autodestruction porte en soi les germes d'une
reviviscence, pour peu que s'opère la conversion mentale dont nous parlons, et
que, par suite, d'un complet retournement de situation, l'« existentialisme »
cède la place à un nouvel « essentialisme ». Les doctrines de la « mort de Dieu
» et de la « mort de l'homme » peuvent fort bien finir par déboucher sur le «
Non-Être » transpersonnel. Il suffit pour cela que le « néant » soit intégré
dans l'Universel et retourné dans la perspective du non-dualisme métaphysique."
Table analytique des Matières
Ces choses des fins de temps. — Des terreurs de l'An Mil à l'éclat de mille soleils. — Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? — Temps cyclique et temps linéaire. — Inversions, illusions. — Le renversement des pôles.
Première partie Les Mesures d'urgence
ChapitreLCadres de vie, 49
Se réconcilier avec la Nature, symbole de totalité. — Qualité du milieu. — Importance de l'habitat : matériau ; paysage ; intimité. -Rôle spiritualisant du costume. — Valeur de la nutrition. — « Tout est nourriture ».
Chapitre II. Modes d'existence, 65
Respect de la Nature et sens du sacré ; le don d'émerveillement ; le pouvoir de communion ; l'art de contempler. — Les soins corporels. — Du bien-respirer. — Sagesse du silence. — Le geste juste.
Chapitre iii. Attitudes, 85
Apolitéia. — Anarchisme spirituel et marginalité stratégique. — Vocation professionnelle. — Le « sacrement de l'amour ». — Ses racines métaphysiques. — Être plus malin que le Malin : notre part de responsabilité. — L'art de tirer le positif du négatif.
Deuxième Partie réforme mentale et formation doctrinale
Chapitre IV. Le
Renouvellement de l'humanisme, 109
De quelques
principes. - Quatre suggestions : réhabiliter la science antique à l'aide des
dernières avancées de la science moderne ; renouveler la lecture des textes par
l'alchimie ; revivifier la philosophie sous l'éclairage oriental ; intégrer
l'Antiquité en la vivant. - Une seconde Renaissance ?
Chapitre V. I a
Réforme intellectuelle, 129
Rejet des préjugés
occidentaux. - La réconciliation de la science et de la religion. - La
désoccultation des enseignements ésotériques. - Trois apports fondamentaux : la
notion des « points de vue » ; la critique des poncifs philosophiques ; la
priorité de l'expérience sur la spéculation. - Du silence mental.
Chapitre VI. Les
Chemins de la Connaissance (1), 153
Aspects de
l'exoténsme et de Pésotérisme. - Le « petit nombre » et la « loi du secret ». -
Y a-t-il un ésotérisme chrétien ? -L'« Intellect », organe d'appréhension de la
Connaissance. - Le symbolisme ; son mode d'expression. - Insuffisance d'une
interprétation sociale de l'Évangile. - Autres exemples empruntés au soufisme
et à l'hindouisme.
Chapitre VII. Les
Chemins de la Connaissance (2), 177
Les différents
points de la doctrine ; caractère éternel de la Vérité. - Le christianisme
diffère-t-il des autres traditions ? - La pluralité des Révélations ; son
pourquoi. - Apparentes contradictions. - Ressemblances réelles. - Le problème
du Mal d'un point de vue métaphysique - Le silence de l'homme et le « silence
de Dieu ».
Troisième Partie Quelques pratiques spirituelles
Chapitre VIII. Réponses à plusieurs objections, 213
Le manque de foi : rôle des conditionnements ; utilité des épreuves ; politesse divine. - Les difficultés suscitées par le monde moderne ; les compensations. - L'absence de maîtres spirituels. -Les substituts : livres ; psychothérapeutes ; upaguru. - Le vrai maître est intérieur. - Les obstacles à la découverte d'une voie. - L'attrait des voies orientales. - Trois ouvertures possibles.
Chapitre IX. Un yoga adapté, 233
Vertus nécessaires à l'engagement spirituel. - Epreuves et « nuits obscures » ; solitude. - Les premiers changements. -Inspirations hindoues. - « Restrictions » et « disciplines ». - Le yoga des œuvres. — Lcyoga de la dévotion.
Chapitre X. L'Aventure alchimique (1), 255
Psychologie des profondeurs ; réponses à quelques critiques.
- L'alchimie : synthèse des enseignements orientaux. - La descente dans
l'inconscient. - Tenir les deux bouts de la chaîne. -L'univers onirique ;
l'imagination active. - Les synchronicités. - Les oracles du Yi-King.
Chapitre XI. L'Aventure alchimique (2), 277
Névroses et psychoses. - La conciliation des contraires ; « types », « fonctions » ; « animus » et « anima ». - Transformations intérieures. - La peur de la mort ; sa conjuration. - Le Soi jungien est-il Dieu ? - Apports bienfaisants de l'alchimie. - Travail analytique et Âge des conflits. - En vue de l'avenir : un yoga pour l'Occident.
Chapitre XII. Le souvenir du Nom, 295
L'invocation dans le judaïsme. - La prière du cœur dans
l'hésychasme : la formule ; la technique ; la descente de l'esprit dans le
cœur. - Pratiques et vertus. - Théologie de la prière. - Un lieu d'enracinement
dans le christianisme ; et dans l'ensemble des traditions. - La pratique la mieux appropriée à l'homme des derniers
temps. - La préparation au grand passage.
Conclusion, 323
Plutôt que sauver
l'actuel, préparer le futur. - Raisons d'espérer. - Remise à l'endroit des
symboles. - Tout Âge permet de rejoindre l'Âge d'or. - Redécouvrir,
sauvegarder, transmettre.